ENTENDU AU TRIBUNAL

Président, jury,

J'assure la défense d'un innocent. Jamais ma tâche n'a été aussi difficile car il a déjà été condamné à la peine maximale par l'opinion publique. Vous êtes,  avant même que je démontre que ce sont vos péchés capitaux que je dois dénoncer, persuadés de sa culpabilité.  On reproche à mon client tout ce qui est devenu insupportable à la société que vous représentez: son honnêteté, son courage, son empathie, sa générosité, son amour du beau, du bon, du bien, de la paix, son sens de la mesure, du devoir, du travail bien fait , de la justice, son respect de la nature. Son refus de la guerre, de la haine, des tabous, du désordre, des politiques et des religions qui sèment le malheur et la mort sont inadmissibles pour ceux qui en sont les propagandistes  et  qui vous ont choisi pour l'exécuter.

Allez, frappez-le, achevez-le, puisque la sentence a déjà été prononcée  avant qu'il ne parle, que je plaide. Pour vous, la victime est coupable. Inconscients, vous jugez vos fautes, votre lâcheté, votre ignominie et ce sont elles que vous condamnez. Il est debout, vous couchés, il est pur,  vous corrompus. Les murs de ce tribunal tremblent de honte quand ils vous entendent et viendra le jour où, à force d'entendre rendre l'injustice , ils vous écraseront sous le poids de la colère.

Si vous  voulez conjurer un sort si funeste, il vous reste le recours d'amnistier mon client, le renvoyer faire du mal à personne, admirer le beau et continuer d'aimer le bon. En aparté, il  m'a dit avoir pitié de vous et ne vous en veut pas. Ainsi soit-il.