Alors qu'effectivement perd du terrain, puissant est devenu à la mode et en passe de ringardiser fort. Adjectif dérivé de la force, celui-ci, pendant des siècles, avait rempli son rôle à la satisfaction de presque tout le monde (il y a toujours des récalcitrants qui veulent se distinguer pour se faire passer pour des originaux (voir Bouvard et Pécuchet). Dorénavant, il convient de lui substituer puissant qui dérive de puissance. Cette évolution qui, à mon avis, relève plus de la sémantique que de la linguistique interpelle l'observateur de son époque au même degré qu'effectivement précédemment.
Deux écoles s'affrontent pour expliquer ce changement. L'une voit dans ce bouleversement d'une habitude langagière traditionnelle l'imitation, avec le retard coutumier des 5 années, d'une mode venue comme toujours d'outre-atlantique et une preuve supplémentaire d'une colonisation intellectuelle qui aboutira, dans un avenir futur indeterminé mais assez proche, à la disparition de la culture européenne dans la bouillie d'un melting-pot indigeste et infantile. L'autre école de pensée emprunte au positivisme d'Arthur Comte, au structuralisme de Lévy-Strauss et à Derrida pour sa composante déconstructive son explication de ce grand remplacement. Fort renvoie à une notion périmée car ancienne qui s'applique à une matière qui prend de la vitesse et crée l'énergie vulgaire qui fait avancer une machine. Puissant donne un message qui s'adresse à des valeurs élevées qui transcendent l'époque que nous vivons et la rendent supérieure à toutes celles qui l'ont précédée. Il nous parle de performance, d'efficacité, d'influence. On comprend qu'il s'agit d'un mot qui n'a pas cours dans notre société moribonde et qu'il ne pouvait venir que d'un pays ayant encore le dynamisme de la jeunesse.
Attention, réfléchissez avant d'opter pour fort ou puissant, votre choix est politique. Il dit tout de vous. Personnellement, j'utilise robuste qui emprunte aux deux mais n'a pas l'arrogance de l'un ni la vétusté de l'autre et j'aime son côté gaillard un peu paillard.
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