Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


mercredi 31 juillet 2024

CADEAUX ET IGNACE

Mes bien chers frères, mes bien chères sœurs.

En ce 31 juillet placé sous l'onction et la protection de notre très cher et regretté  Ignace de Loyola, je vous parlerai du cadeau. Il est cher à notre cœur et nous en recevons et en faisons jamais assez. J'ai choisi ce jour et son parrain car Ignace nous a donné les jésuites auxquels nous sommes si redevables et sans qui où diable serions-nous? Le cadeau est un si vaste thème que je ne sais par quel bout l'aborder. Observons un instant de silence pour que le patron du jour m'inspire la suite à donner à cette homélie... ... ... ... ... Merci, Ignace, je savais pouvoir compter sur toi. Je choisirai donc le désordre  alphabétique. 

Le très beau cadeau doit éblouir par sa générosité. Il sera d'autant plus grand que totalement immérité. Ainsi à une vague connaissance qui vous a renseigné sur l'horaire d'un train, offrez un tour du monde, en première classe, sur un bateau 4 étoiles. Sa surprise sera à la mesure du prix du cadeau.

Le cadeau utile rentre dans la catégorie des cadeaux mitigés. Ainsi un marteau avec un assortiment de pointes sera reçu avec moins d'enthousiasme par un bricoleur professionnel qu'une scie plongeante de chez Festol. Éviter la cravate, la paire de chaussettes ou les pantoufles, la combinaison de plonger pour qui ne sait pas nager, une raquette de tennis pour un joueur de ping-pong. Si vous doutez  de la validité de  l'habilitation de l'hôtesse à aborder  le domaine culinaire, prévenez-la que vous apporterez le dessert. Elle vous en sera reconnaissante et vous serez sûr de terminer le repas sur une bonne impression. Il va de soi que vous aurez choisi votre gâteau favori, au chocolat par exemple si vos hôtes ne l'aiment pas.

Le cadeau empoisonné mérite un développement particulier et l'esprit jésuitique qui flotte sur ce post va m'aider. Contrairement aux autres, sa fonction n'est pas de faire plaisir au récipiendaire mais au donateur en lui permettant de se venger d'une vielle blessure incicatrisable mais compatible avec une relation hypocritement amicale. Un grand classique est l'offrande d'un jeune arbuste ornemental à racines nues qui lui fera creuser ou  faire creuser un trou de 1 mètre dans toutes les directions, un travail épuisant qui l'obligera à trouver un homme de peine, une perle quasi introuvable. La boîte de chocolats ou la bouteille de vin pour un hépatique, le dernier Goncourt pour quelqu'un qui ne lit pas ou le dernier Musso à qui n'aime que Lévy. Le choix est si vaste que l'on s'y perd. Il peut aussi être fait en toute innocence et qui n'a pas offert un chiot à quelqu'un qui n'aimait que les chaton, un place à l'opéra à un ami qui  une crise d'urticaire quand il entend un son aigu, une paire de serins à une célibataire pour meubler sa solitude et qui ne supporte pas le jaune. Les deux parties sont doublement mécontentes: de soi et de l'autre: de son erreur et du refus. Il faut en plus faire l'hypocrite et paraître confus, coupable alors que l'on est en colère, chacun ayant  les mêmes bonnes raisons d'être mécontent .

Le cadeau inutile dont on ne sait pas quoi faire est malheureusement le plus fréquent. Il englobe le précédant dont on peut s'inspirer. Il est choisi en générale dans la précipitation de la dernière minute. On s'en tire  parfois en remettant dans le circuit un vieux cadeau dont on a gardé le papier d'emballage. Attention, ne l'offrez jamais à celui qui vous l'avez offert des mois ou des années auparavant. Il s'en souviendra et il y aura des représailles. Le bouquet de fleurs est classique, passe-partout, supporte le voyage, attire l'attention le temps de trouver un vase et un endroit. Encombrant, je m'en dispense et lui préfère la boîte avec des  chocolats (de qualité)). Si elle est ouverte, vous en profiterez pour la vider avant les autres (elle peut figurer dans les utiles à condition que vos amphitryons aient la délicatesse d'ouvrir et d'offrir. Ils ne l'ont pas toujours, informez-vous).

Vous qui recevez vous pouvez doubler le cadeau de votre invitation de façon subtile, subliminaire, très efficace si vous aviez une idée derrière la tête en recevant ce monsieur ou cette dame. Si vous les savez très orientés à gauche et nostalgique de la révolution d'Octobre, mettez en sourdine un disque de Jean Ferrat, citez Aragon comme votre poète préféré, offrez  pour commencer des blinis de saumon fumé arrosés de vodka (cela lui rappellera le bon vieux temps de ses vacances en RDA avec les Jeunesses Communistes). Avec un anarchiste, un sportif, un chasseur, un bricoleur, adoptez ses lubies, faites en votre passion, devenez son frère de délire. Devenus des jumeaux à part entière, vous aurez un retour sur investissement qui remboursera votre repas de gala. On appelle ça des dividendes.

Le cadeau dit beaucoup sur celui qui l'offre. Il n'a rien d'anodin. Il faut donc s'en méfier comme d'une diablerie. Il marque, catalogue et fixe la réputation. Il y en a qui escamotent le problème en ne faisant pas de cadeau. Ils pensent qu'ils sont le cadeau et ils estiment que leur présence est une générosité dont vous devez les remercier. Les malheureux se mettent d'eux-mêmes dans la case des irrécupérables que l'on a plaisir à ne plus  revoir.
PS: le conseil n'est pas classiquement classé dans les cadeaux.   Je le mets en annexe car l'idée m'en est venu après le point final. Il  en a tous les attributs plus  la gratuité, l'absence d'encombrement. Il est jetable, pas d'intermédiaires, traçabilité parfaite, client captif mais libre de le suivre. Lui aussi fait plaisir à celui qui le donne et théoriquement à celui qui le reçoit. Le premier est fier d'étaler ses connaissances, sa sagesse. Il est en position dominante et se sent l'égal d'un sage de l'antiquité (ils n'étaient pas avares de conseils (cf les stoïciens, les épicuriens, les platoniciens et aujourd'hui le cynique). Le receveur est comme le récepteur content ou pas. Si en plus d'être bon, le conseil est agréable à entendre, tout le monde est satisfait, mais s'il est désagréable car en opposition avec les habitudes, les croyances, il ne va pas être accueilli dans l'allégresse. Il déclenche la zizanie. Puisque c'est vous qui le donnez  il ne peut être mauvais , assurez-vous cependant qu'il ne l'ont pas compris de travers (les gens sont si bêtes), ils vous le  reprocheront si, en le suivant mal, ils se sont ruinés, ont mis le feu à la maison, ont été obligés de divorcer  ou après avoir suivi votre conseil culinaire se sont retrouvés en réanimation. Pour éviter un retour de conseil, n'en donnez que des bons, des anodins, sans risque de retombées et d'effets secondaires. Par sécurité, résistez à la tentation de donner des conseils financiers, politiques, métaphysiques, de  décoration, diététiques, de lecture, de films, contentez-vous des basiques, vagues et généraux qui ne demandent pas à être suivis.  

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