MENSONGE

Le mensonge doit son impopularité au discrédit diffusée par une contre-vérité difficile à contrecarrer car politiquement correcte. Il lui doit une mauvaise réputation que je conteste au nom de l'équité. Je parle bien entendu du beau mensonge, celui qui est facilement confondu avec la vérité et non du petit, qui se sent à cent lieues, mal fagoté, construit dans la précipitation et qui ne peut abuser qu'un crétin ou un imbécile. Le mien relève du grand art et n'est le fait que d'un artiste complet (auteur-acteur-compositeur). Vous aurez compris que je parle de l'outil de travail de l'escroc. Détaillons:

- scénario impeccable imposant une connaissance parfaite du sujet. Le menteur doit être capable de répondre à toutes les questions avec rigueur et compétence. Une solide éducation est requise avec une maîtrise de la haute finance si le menteur opère sur des valeurs du CAC 40 ou du Down Jones, connaissance de la peinture s'il est en cheville avec un faussaire de maîtres du chevalet, etc...

- présentation soignée, costume-cravatte, chaussures cirées, after-shave de qualité, rosette de la légion d'honneur conseillée, langage châtié.

- le mensonge doit avoir les mêmes qualités: simili vérité crédible dans un habillage de grand faiseur.

Soyons reconnaissants au menteur de ses efforts. Le travail est conséquent et un paresseux ne fera jamais un bon menteur, il ne vendra jamais la tour Eiffel en pièces détachées. Il mérite de ce fait le respect dû à tout gros bosseur. Son entreprise a aussi un objectif philanthropique que l'avocat de Madoff n'a pas assez développé: promettre des rendements faramineux à votre épargne, affirmer sous serment que vous étiez au chevet de votre mère et non dans le lit de votre maitresse, tout cela procède du désir de vous laisser espérer devenir riche ou de la règle que votre moral inflexible impose: ne rien dire qui puisse troubler la vie commune. Le défi est dur mais vaut la peine d'être tenté quand on a une âme élevée. Le menteur est, quelque part, un dispensateur de bonheur. Comme rien n'est parfait, on relèvera, pour être complets, des points noirs. Ils seront montés en épingles par des grincheux qui diront, l'œil courroucé et la mine sévère pour être conforme à l'image de la vertu, que ce péché est un vilain défaut, un vice même. Ce n'est qu'une arme de persuasion ayant l'intention de faire prendre une vessie pour une lanterne. Serait-ce moins condamnable s'il s'agissait de faire prende une lanterne pour une vessie? Nous ne jouerons pas sur les mots et nous nous abstiendrons de juger car tout le monde serait en prison, à perpète.