Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


vendredi 13 septembre 2024

Les campagnards comme moi jalousent les citadins comme vous qui baignez dans le luxe, le confort, la sécurité alors que nous sommes condamnés à la rusticité, à l'inconfort, aux dangers. Les habitants des grandes villes ont le privilège unique de passer leurs jours heureux dans une ambiance de chaude camaraderie, en compagnie de gens bienveillants ne songeant qu'au bien commun, à l'abri des dangers potentiels grâce à la diligence inquiète d'une administration faisant de la prévention son souci primordial. On comprend la satisfaction générale. 

La comparaison avec le sort de nous autres, les exilés de l'intérieur relégués au fin fond des terroirs, loin des villes lumineuses, dans l'obscurité culturelle de la campagne profonde est cruelle et affligerait une âme insensible. Nous sommes livrés, sans défenses naturelles, aux exactions d'une flore sauvage et d'une faune féroce. L'une et l'autre nous considèrent comme des intrus et veulent notre mort. Osons le dire n'en déplaise aux bobos qui, le dimanche et les jours fériés, viennent nous visiter comme si nous étions des bêtes curieuses. Ils ne connaîtront jamais notre calvaire eux qui vivent dans un monde enchanté. Le  silence des rues et des boulevards est remplacé par la stridence des criquets, le hululement des chouettes, la cacophonie de la basse-cour, l'aboiement des chiens et des chevreuils, le brâme du cerf, les grognement des cochons, le miaulement du chat, le chant des oiseaux, le bêlement de agneaux pascaux, les mugissements des vaches et le rugissement des toros bravos. Nous ne parlerons pas pour ne pas vous faire pleurer, du vacarme des tracteurs, des moissonneuses batteuses ensileuses, des tronçonneuses et des débrousailleuses. Ils font des marteaux piqueurs une douce mélopée. Les agressions acoustiques passent, inaperçues, quand elles ne sont pas relayées par les attaques massives d'une engeance qui en veut à notre peau. Il y a les escadrilles de frelons de toutes les nationalités, de guêpes, d'abeilles, de mouches, de moustiques qui attaquent à toutes les heures du jour et de la nuit pour nous saigner, nous coller des boutons, des démangeaisons et nous empêcher de dormir pour nous réparer des travaux forcés du jour. Sournoises, les tiques comme les vipères attaquent en silence, furtives. La flore est encore plus toxique et en veut à notre vie. Les épines noires, les ronces, les orties, les champignons plus vénéneux les uns que les autres, les baies, les feuilles, les fruits, les racines empoissonnés foisonnent, se rendent appétissantes et envoient directement au cimetière. 

Prisonniers de nos contraintes, de nos astreintes, de nos coutumes, de nos habitudes, nous n'avons même pas le courage d'aller saluer, remercier, embrasser les charitables citadins qui abandonnent le temps d'une fin de semaine leur cité radieuse pour nous régaler d'un concert en plein champ de maïs ou de tournesols par une rave-party d'antologie au rythme grave et binaire d'une musique puissante qui fait vibrer notre nostalgie de ne pas partager  le reste de leur  vie.

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