Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


mercredi 25 septembre 2024

POURQUOI JAG SERA VOTRE PROCHAINE LECTURE

 Il y a deux littératures: 

- l'ennuyeuse, classique, académique où jouent les prix Nobel, qui finit dans la Pléiade,  aime les belles reliures et se gorge de poussière dans les bibliothèques privées et publiques.

- la roborative, excitante, qui réveille, enchante, fait sourire, plaisir, rêver et nous change de la monotonie, de la dépression, de la routine, du sentimentalisme, du freudisme, de la lutte des classes, des scandales financiers, politiques, religieux, des répercussions actuelles de la guerre de cent ans, du changement climatique, des états d'âme d'une péripatéticienne brésilienne du bois de Boulogne convertie et devenue père prieur d'un couvent de dominicains. Elle nous fait entrer par la grande porte de l'imagination dans le monde fantastique de la fantaisie où tout est possible puisque rien n'est impossible. Ceux qui disent ne lire que la première prennent des airs dégoûtés quand on a le mauvais goût d'évoquer son existence. Seul Sartre ne se cachait pas d'être un fan de la série noire (mais l'estampille Gallimard la sauvait du déshonneur).  

Ce préambule filandreux vous préparait, par contraste, à accueillir ma découverte tardive mais explosive d'un auteur de cette littérature bon marché, décriée, de gare, à lire debout dans le métro, coincé dans un embouteillage, en cachette de la concierge et de la bourgeoise. Le Fleuve Noir en était l'emblème, le porte-drapeau, l'étendard. Le sulfureux Gérard de Villiers, l'antéchrist, le fasciste, prit le relais avec son SAS qui fut de toutes les guerres et nous renseigna mieux que tous les journaux sur les dessous de la grande histoire qui se jouait secrète ou pas. Mais ce grand journaliste était un esprit libre, curieux, boulimique, infatigable, et un dénicheur de talents. Plus de 40 ans après lui, je suis tombé sur une de ses pépites au travers d'une série intitulée JAG. On la trouve dans les boutiques d'occasion pour pas cher (sauf le n° 34) ou elle peut être téléchargée en entier gratuitement sur L'Internet Archive :
Elle met en scène deux personnages : Jag et Cavendish. Pendant 34 opus, chacun porté par une couverture délirante d'un mauvais goût sublime comme on ne sait plus en faire et qui ferait exploser de rage les #MeToo, on suit les aventures des deux héros. Ils passent leur temps à tomber dans des traquenards et à surmonter des situations invraisemblables, des courses poursuites effrayantes, à triompher de combats plus qu'homériques. Ils évoluent dans un monde post-apocalyptique qui renvoie au nôtre qui est pré-apocalyptique, de façon hallucinante. Cette série  combine les charmes du polar, de la science-fiction, du roman d'apprentissage, un discours politique sur les horreurs de ces temps-là qui copient les nôtres. Ce sont aussi de formidables livres d'aventures très bien écrits, pleins de trouvailles langagières réjouissantes. Plusieurs auteurs participèrent à cette aventures éditoriale qui s'étagea des années de 1985 à 1994. Christian Mantey en fut l'âme  et ne cessa de l'inspirer. D'autres talents furent de l'aventure. Pierre Dubois, un scénariste-animateur à la télé, le grand délirant Brussolo, Jacques Barberi et Joël Houssin qui fait l'historique de Jag en préface du numéro 20 où il explique parfaitement la genèse et la vie de la série. Il rend à César ce qui lui appartient et fait de Mantey le bâtisseur de tous les romans. Chacun est un feu d'artifice car les auteurs devaient rivaliser entre eux. Ils étaient dans l'émulation permanente, avaient une créativité explosive, une liberté totale, une maitrise du récit et de la langue et Mantey, le Maître du jeu comme le qualifie Houssin, imposait sa marque et faisait de Jag et Cavendish des héros inoubliables. Dans un monde où la justice serait rendue, Jag aurait été accueilli avec enthousiasme et mérité un succès mondial. Il ne le reçut pas et sa célébrité ne dépassa pas le cercle des esprits curieux, avisés qui ne sont pas pétris de préjugés et conduits par une critique incapable de faire dignement son métier. Il fut suffisamment large pour permettre d'atteindre 34 volumes qui se lisent indépendamment les uns des autres. Le lecteur était devenu addict comme je le suis aujourd'hui et il en redemandait encore et encore, car la magie était et reste active. Jag mérite une réédition et sa découverte par de nouvelles générations qui aiment l'aventure, la belle écriture, l'imagination, la fantaisie, l'héroïsme, le suspens, un message digeste, du croustillant, de l'humour. On trouve tout dans Jag. 

P.S. - En ai-je assez dit, monsieur Mantey pour vous inciter à reprendre le flambeau, vos comparses sont presque tous encore là et je vous sens capable, seul ou avec eux de vous remettre devant une machine à écrire et de sortir Jag et Cavendish du Barillet. Laissez-les créer une belle famille et  vivre, quasi-immortels, le reste de leur âge entourés de leurs nombreux enfants sur une terre qu'ils auront sortie de la Dimension Sauvage où elle avait basculé. Ce n'est pas une prière mais une supplication en forme d'ordre.

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