Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


mardi 26 août 2025

TEST DE STRESS AMICAL

L’ami est l’âme sœur qui entre en résonnance, la même idée de soi-même qu’on partage avec l’autre. L’amitié permet le dialogue à égalité. Elle enrichit de ce que chacun offre. C’est un remède à la solitude, un secours dans l’ennui, une défense contre la peur, une oreille qui écoute. L’ami répond à la question qui n’a pas été posée, respecte le silence quand la douleur est là, le comble au bon moment, à la bonne mesure. 

C'était une définition de l'amitié vraie décrite à ma manière dans un vieux post. Il m'est venu l'idée saugrenue, le temps passant et les amis se faisant rares, de tester les restants pour mesurer si le qualificatif leur convient. J'ai utilisé le processus classique qui consiste à plaider le faux pour connaître le vrai en annonçant sans trembler que j'allais expatrier la famille aux antipodes, dans une île quasi déserte avec lagon aux eaux turquoises cristallines, cocotiers, coraux, tamouré à discrétion, perdue dans le Pacifique sud au milieu d'une Polynésie décrite comme un must qui rend le paradis jaloux. Cerise sur le gâteau, pas d'impôts, le drapeau français y flotte encore, donc pas besoin de parler le globish, pas de guerre de sécession à l'horizon et le dollar n'a pas encore remplacé le franc pacifique. La vie y coule en musique, en douceur, en harmonie avec la nature, le ciel, la mer, les gens, loin de Macron, de Mélenchon, des banlieues, de Poutine, Donald n'y a pas de golf, les guerres sont loin, même le fiu n'est pas une dépression. Tout, là-bas, a les couleurs de l'arc en ciel  disent les officines de tourisme. Comment résister à de tels attraits? Un  projet aussi étonnant doit normalement susciter une réaction et même un esprit non critique a, normalement, le réflexe d'élever quelques interrogations et, s'il l'a, quelques objections, du genre de celles que je me suis moi-même fait. 

Il devrait d'abord s'attrister bruyamment de perdre un si bon et vieil ami avec qui il partage tant de souvenirs. Ce devoir rempli, il devrait embrayer sur les inconvénients, les dangers, les risques et la déconvenue prévisible. La liste est longue car la médaille a un revers qu'il s'empressera de détailler pour vous inciter à rester dans votre thébaïde. Il commencera par le climat  de style tropical avec une saison des pluies diluviennes, des tempêtes du même adjectif entre deux cyclones, d'une température conséquente sans automne ni hiver mais avec une humidité poisseuse peu sympathique. Si la paix sociale règne, le ciel est moins paisible car en plus des tourments météos, il y a les moustiques qui en veulent à votre peau. Ils y déposent divers maladies dont la plus fréquente est la dengue qui n'a rien d'une banale grippe et laisse vivant mais apporte fièvre, douleurs variées, fatigue. La vie y serait facile mais elle est chère car l'ordinaire occidental est totalement importé. On est obligé de se nourrir local avec des poissons, du cochons, des bananes, des manges, des oranges, du citron et de boire du lait de coco, de la bière et de l'eau. Il faut abandonner l'idée de remplir son verre  de vin rouge, blanc, sec, demi-sec, moelleux, pétillant, à chaque repas, d'avoir du pain frais, de la viande de veau, de bœuf, du poulet fermier,  du beurre et de la crème fraiche. Le pâtissier le plus proche sera à quelques heures d'avion et il n'est pas sûr qu'il ait été élu meilleur ouvrier d'une année. S'il veut vous achever, il n'omettra pas de vous parler de l'ennui abyssal qui s'abattra sur vous quand vous aurez fini de contempler l'horizon, dit bonjour aux raies manta, aux poissons des coraux et au voisin le plus proche. Hors du jardin - luxuriant car très arrosé - la culture est le parent pauvre, la seule distraction de la semaine étant la messe dominicale qui réunit la communauté de l'île autour d'un curé ou d'un pasteur qui porte la parole de sa chapelle. Vous aurez intérêt à paraître intéressé pour ne pas être ostracisé et excommunié. Pour achever de torpiller votre envolée sidérale, votre ami, s'il l'est, portera l'estocade en vous faisant remarquer que passer 20 ans, la graisse  de la mal bouffe submerge les hommes et les femmes. Elle les transforme en obèses pachydermiques qui rendraient suicidaires tous les nutritionnistes de la planète en alliant toutes les complications liées au diabète, à l'hypertension, aux cancers. Toi  qui ne supporte que les maigres, tu seras tombé en enfer et que feras-tu quand ta hernie s'étranglera, quand le col du fémur se cassera, quand tu auras la dengue, une crise de colique néphrétique, un AVC et que le médecin et le chirurgien les plus proches sont à 1000 kilomètres?

Voila ce qu'un véritable ami m'aurait asséné pour m'éviter une erreur et me garder à sa portée. 

J'ai récité ce texte, appris par cœur, de façon convaincante aux quelques relations que cela aurait pu toucher. Leur réaction m'a éclairé. Hormis une personne que je remercie qui m'exprima, en aparté, son regret de me voir partir,  je n'ai obtenu qu'un étonnement poli avant le passage à un sujet qui les intéressait, il traitait d'un des leurs. La conclusion s'impose car le diagnostic est infaillible. Vous voila affranchi et en tirerez les conséquences.

PS: vous pouvez remplacer ce projet chimérique par un autre du même acabit en annonçant un divorce prochain et votre mise en  concubinage notoire  avec une demoiselle slovaque de 20 ans choisie sur catalogue,  votre décision de participer au tour du monde en solitaire à la voile car vous avez toujours rêvé d'imiter Slocum, Alain Gerbault et votre dernier idole, Moitessier pour finir en beauté et mourir dans les quarantième rugissants, victime d'une vague scélérate. Faire l'ascension de l'Everest si votre souffle n'est pas trop court peut être une option qui devrait susciter une réaction si votre amitié en est une. 

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