Le plaisir de critiquer n'a pas d'équivalent chez les atrabilaires, les hypochondriaques, les pessimistes, les anxieux, les masochistes, les dépressifs. Ils trouvent dans l'exercice de la critique non seulement l'occasion d'exprimer une opinion sur un sujet qu'ils viennent de découvrir mais aussi le moyen de paraître compétents en dénonçant sur le ton du professionnel les qualités qu'ils transforment en défauts. Pour appuyer leur démonstration, ils colligeront les erreurs minuscules (faute de ponctuation, omission d'un accent circonflexe, un emploi de l'imparfait du subjectif intempestif), un oubli invisible, une fausse note historique avec l'emploi d'une roue avant son invention ou d'un briquet jetable pendant la guerre de cent ans. Plutôt que sur la splendeur des décors, la noblesse de l'interprétation, la richesse de l'imagination, le critiqueur intempérant se focalise sur ce qu'il est le seul à voir et il prend sa cécité psychologique pour une acuité artistique. Pour lui, le beau est gâché par le choix d'une couleur, le bon par une saveur et le bien par une touche de malveillance.
PS: il a une excuse: lui-même est dans un état critique car il ne se supporte qu'en critiquant, la seule chose qui le maintient en vie.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire