Partir, c’est l’inconnu, la nouveauté, l’aventure. C’est
abandonner l’habitude, l’assuétude, la lassitude. C’est refuser la routine, la
monotonie, renouer avec l’envie, l’espoir d’être différent dans un autre monde
où notre passé n’a jamais existé et qui n’attend que notre avenir.
Le départ est merveilleux car c’est une porte ouverte, le
début d’une renaissance.
Pour que le départ soit une fête, il faut oublier qu’il y
aura une arrivée où tout recommencera comme la dernière fois. C’est pourquoi
ceux qui aiment les départs ne peuvent pas s’en passer et repartent très vite,
sitôt installés, avant l’habitude, l’assuétude, la lassitude… à la poursuite du
soleil, de leur chimère. Ils attendent avec impatience leur dernier départ, le
seul dont l’attente de l’arrivée durera une éternité.
Ils côtoient, l’espace d’un moment, dans leur transit, les
amoureux des arrivées, leurs opposés. Ces sédentaires sont contents d’être où
ils sont, une fois pour toutes. Ils s’y incrustent, y végètent, y prennent
racine. Les plus entreprenants y font souche. Ils sont là depuis toujours,
prisonniers satisfaits de leur horizon borné de grands arbres, de belles
montagnes, de mornes plaines, de petites rivières. Ils sont curieux de nulle
part, contents du climat, du lieu, des gens qu’ils comprennent sans mots dire.
Ils ont peur du dernier jour. Ce sera leur seul départ. Faute d’habitude, ils
craignent tout ce qui rend si contents les voyageurs impénitents. Pour les
rassurer, plutôt qu’une extrême onction, il faudrait une conversation entre
ceux-ci et ceux-là pour que le bonheur des uns éradique le malheur des autres.
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