Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


jeudi 28 février 2013

ANNONCE MATRIMONIALE


Père, mère, proposent fille à marier. Élevage traditionnel, éducation soignée. Traçabilité de la lignée sur 6 générations authentifiée par généalogiste diplômé. Avantage en espèces à la signature du contrat, en nature garantie d’origine, sans manipulations esthétiques.
Préférence sera donnée à jeune homme ayant : qualités morales haute définition, physiques selon standards contemporains, IMC compris entre 18 et 20, casier judiciaire vierge, libéré obligations universitaires, tempérament monogame.
Maniaco-dépressif, T.O.C., complexe d’Œdipe, végétarien, insomniaque, lombalgique s’abstenir.
Prière de se munir, pour la séance de casting, d’un bilan biologique, sérologique et chromosomique de l’Institut Pasteur (Paris).
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TYPOLOGIE DES AMIS


(suite et fin)

L’AMI DE TRAVAIL


Il fait partie des amis d’occasion, que l’on partage avec beaucoup. C’est une amitié qui peine à s’installer et qui, souvent, n’arrivera jamais. On cohabite durant le temps ouvrable et à l’endroit du travail par politesse, par respect de la paix civile, obligé par l’instinct de survie en milieu hostile. On s’accommode des bizarreries, des mauvaises manières, des habitudes détestables. Avec le recul, de la patience, de l’indifférence, une relation sympathique peut émerger. Les conditions influent beaucoup sur son installation. Elle suppose que des intérêts communs imposent une solidarité de fait.

Quand la survie sur un chantier dépend du regard, de la bonne volonté, de la vigilance des autres, un ami vaut mieux qu’un ennemi. Les chantiers dangereux sont propices à l’amitié comme un champ de bataille, un terrain miné, une mine de charbon, une expédition sur la lune. Dans l’atelier, rivés à la même chaîne, on se serre les coudes ; cette fraternité aide à supporter le bruit, la cadence, la fatigue, l’ennui. Au bureau, l’amitié est moins vitale. On parle de collègue. C’est une défense face aux petits chefs, à la direction. Elle se nourrit de potins, des revendications syndicales, de la galette des rois qui permet d’embrasser la reine, des pots de départ. Le lieu n’est propice à rien d’autre. C’est même beaucoup, tant la hiérarchie, le salaire au mérite, les primes au rendement, les échelons à gravir, les promotions à venir, l’avancement au piston, les dégraissages donnent l’occasion de se haïr, de médire, à jalousie.
L’entreprise est un huis-clos inapte à l’amitié puisque y prospèrent l’ambitieux, l’arriviste, le prêt à tout. On n'y trouve pas sa Boétie, le  partage s’arrête au travail.

L’AMI NUMÉRIQUE


C’est le plus récent, l’ami à la mode. Sans façons, il s’invite dans la conversation, donne son avis sur votre opinion, la corrige, vous rebondissez. Le débat, à peine entamé, tourne court. Vous avez beau relancer, faire l’intéressant, jouer à l’intéressé. Il joue ailleurs. Ce n’est pas grave, il est jetable. La concurrence est redoutable, l’ami numérique nouveau est arrivé. C’est madame Bodin qui me l’a présenté quand, l’autre jour, elle en parlait à son fiston. Comme moi, il ne le connaissait pas. Il faisait le marri tout étonné. Grâce à « Face-de-Bouc », expliqua-t-elle, elle a plein d’amis « round the world », même un grand noir dans une maison blanche. Elle en a beaucoup d’autres. Elle ne les a jamais vus, ne leur a jamais parlé, elle ne sait d’eux que ce qu’ils en disent. On entre, on s’inscrit, le réseau vous accueille et on joue à l’ami. Finie la solitude, bienvenu dans une société virtuelle peuplée de créatures de rêve, débarrassé de toutes les tares viscérales qui rendent si détestables les amis véritables. Quel bonheur de s’afficher sans complexe, sans scrupule pour le plaisir de communiquer, vite, loin, dans un échange si intéressant, si intime qui en dit long sur qui on voudrait être. En résumé, avec l’ami numérique dernier cri, on parle dans le vide, d’une façon qui nous ressemble.

FINAL


Si le terme d’ami était réservé au véritable, il serait si peu usité qu’on en aurait perdu l’usage. Pourtant il est devenu une relation courante, une imitation acceptable. Ce genre d’ersatz suffit à ceux qui préfèrent le nescafé à l’arabica fraîchement torréfié. Faute de goût et d’ambition ils s’en contentent, heureux d’entrer dans une famille qu’ils n’ont connue qu’éclatée, décomposée. Ce sont des amis de papier, des consommables vite périmés. On ne parlera donc pas des amis d’un jour, des amis d’amis, de voyage et de tous les faux-amis qui sont l’essentiel de la compagnie. Un seul est à retenir. Il mérite l’admiration pour son abnégation : l’ami de toujours. Sa fidélité est touchante, proche de la sainteté. Il connaît si bien son ami, que seul un masochisme larvé explique sa présence constante. Priez pour qu’il ne guérisse pas, vous le perdriez.
Les vrais amis n’ont pas à se chercher, ne s’oublient pas. Ils s’inquiètent, questionnent, demandent. Ils n’attendent pas le premier de l’an, l’anniversaire pour exister.
L’amitié est un sentiment qui ne se contente pas d’être sincère, fidèle, intermittent. À l’égal de liberté, égalité, fraternité, fidélité, loyauté, générosité, honnetêté, l’amitié est une valeur si relevée qu’on en parle sans y croire.

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mardi 26 février 2013

PETITES ANNONCES GRATUITES 3

Ø  Suite excès de malheurs cède porte-bonheur.
Ø  Idéal réunions de famille mafieuse, comité soutien politicien véreux, pot départ Santé policier pourri, bouge mal famé ruelle sordide, faune interlope, propose grande salle, sortie discrète sur terrain vague, disparitions sans trace, sables mouvants donnant égout principal conduisant incinérateur municipal. Prix étudiés.
Ø  Crème fouettée cherche couple lécheur.
Ø  Banquier à la dérive besoin capitaux flottants pour renflouer banque naufragée.
Ø  Demoiselle en détresse rencontrerait sauveteur patenté.

Ø  Navigateur solitaire encalminé, mât brisé, échangerait voilier de croisière, tout confort, contre studio/deux-pièces, travaux, banlieue même pourrie.
Ø  Cultivateur amnésique besoin urgent bénévoles désintéressés – trésor caché apporter pelle et pioche, casse-croûte assuré.
Ø  Coupe de mésanges louerait niche en bois début printemps, situation isolée. Absence chatière exigée.
Ø  Double emploi vends véhicule hippomobile bon état. Traction avant Percheron 6 ans ; fers neufs, sans permis, pastille verte : caisse, moteur, sous produit-digestif recyclables.
Ø  Dans bouteille à la mer, jolie perle blanche mer rouge rêve perle noire des Tuamotu.
Ø  Passant de la campagne à la ville, particulier cède sauterelles, criquets, grillons, pois sauteurs du Mexique. Prairie mille feuilles requise.
Ø  Faute de temps donne boîte aux lettres pleine. Conviendrait lecteur retraité aimant cartes de vœux, bonnes nouvelles. Nouera relations utiles. Grâce tri sélectif, lettres anonymes, menaces, injures éliminées ; factures gaz, eau, électricité prélevées à la source.
Ø  Quel ami des bêtes s’occupera, pendant absence, grenouilles, crapauds ?  Faire offre Mr Dupond, « À la belle cuisse sautée ».
Ø  Bois de chauffage urgent comité de soutien. Crémation prochaine.
Ø  Homme d’affaires véreux, spécialisé affaires louches, cherche homme de paille, belle présentation bonnes manières. Conviendrait grand commis de l’État à la retraite bien introduit dans Haute Administration, intéressement commissions occultes, dessous de table, comptes secrets dans banque off-shore.
Ø  Cuirassé désarmé, déprimé, faisant cap sur la casse, rencontrerait mine flottante pour s’envoyer au fond.
Ø  Éthylotests saturés, fume-cigarettes dégoûtés, rejoignez l’ABA (Association des Bouches Anonymes).
Ø  Écrivain en panne d’inspiration rencontrerait aventurier en veine de confidences.
Ø  Suite changement d’orientation et de garde-robe fort-des-halles cherche femme forte.
Ø  Suite peine de cœur et de panne des sens, cherche mécanicien corps et âme.
Ø  Dernier avis avant fermeture des pistes : « Faute de passagers, départ annulé, vols suivants supprimés, aéroport déménagé ».
 

lundi 25 février 2013

TYPOLOGIE DES AMIS


L’ami est l’âme sœur qui entre en résonnance, la même idée de soi-même qu’on partage avec l’autre. L’amitié permet le dialogue à égalité. Elle enrichit de ce que chacun offre. C’est un remède à la solitude, un secours dans l’ennui, une défense contre la peur, une oreille qui écoute. L’ami répond à la question qui n’a pas été posée, respecte le silence quand la douleur est là, le comble au bon moment, à la bonne mesure.
L’essentiel de ce que l’on pense être un véritable ami étant dit, passons ceux que l’on connaît à son crible et voyons combien il en reste.
La liste des amis est longue. Citons-en quelques uns : l’ami de passage, perdu de vue, d’un jour, encombrant, le faux ami, de toujours, le bon ami, de travail, nécessaire, d’héritage, numérique et j’en oublie.
Nous commencerons par le plus célèbre, le plus ancien : l’ami d’enfance.
L’âge de cette amitié suit le nôtre à la culotte. C’est son péché originel et il ne s’en remettra pas. Il date. Quand on le voit, l’ami d’enfance, ratatiné, déglingué, il donne le cafard car on est comme on le voit. Il gâche la journée. Il faut distinguer l’ami de toujours, un permanent, de lui, l’intermittent. Il refait surface au hasard d’un trottoir, autour d’un cénotaphe, dans la chaleur d’un banquet.
L’ami d’enfance n’a rien  à donner qu’un coup de vieux. Il met K.O. debout les deux. À la peine de se reconnaître succède la difficulté de rafistoler une amitié dont on s’était bien passé. Le mieux serait de paraître pressé, de se saluer gentiment : « Quelle bonne surprise, se rencontrer après tant d’années, comme le monde est petit, etc… » Et de suivre son chemin. Il faudrait résister à la tentation de ressusciter son enfance et à la curiosité de savoir ce qu’a fait de sa vie ce compagnon des bancs de l’école. Les souvenirs de ces temps-là paraissent trop dérisoires, les plus vivaces peu agréables et font qu’on a plus envie de les enterrer que de s’en amuser. On se rend compte que l’ami d’enfance n’était qu’un ami de circonstance, de rencontre, comme beaucoup d’autres qui suivront et qui s’accrocheront un moment à la mémoire. Comme ceux-ci, il ne supporte pas la comparaison avec l’idéal amical. Il n’était qu’une relation de passage. De commun on n’avait que l’âge, les devoirs, les leçons. On partageait la cour de récréation, les mêmes obligations, c’était, au mieux, un bon copain. Cette amitié d’enfance s’épuise vite, est-ce une erreur de jeunesse, une illusion de vieillesse?
Le vrai ami d’enfance est d’une autre trempe. Les retrouvailles ne doivent rien à la chance. Il  été débusqué tel un trésor caché, présent dans les souvenirs, il continuait de manquer. On lui est redevable à cet ami d’enfance-là d’avoir été autre chose qu’un condisciple anonyme. On avait une connivence sans concurrence, un compagnonnage fraternel. Grâce à lui la discipline était moins rude, l’ennui moins profond. Une souvenance de cette engeance ne peut vieillir et rajeunit.

(à suivre)

vendredi 22 février 2013

LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ


Au fronton de la République, la devise interpelle le peuple de France. Les mots fondamentaux sont gravés dans la pierre des palais nationaux, fleurissent dans les discours gouvernementaux, vibrent au son du clairon.
Cette sainte trinité laïque vient de la Révolution, renaît à chaque république. Quelle belle idée de déclarer que la Liberté vaut de mourir pour elle, que Pierre vaut Paul et que le bonheur des uns sera de faire celui des autres. Plus de hiérarchie née de l’hérédité, plus de solitude puisqu’on est solidaire. Mais cela ne suffit car, au bagne, dans la prison, dans la caserne on se serre les coudes, on a les mêmes entraves. Il faut la liberté de penser, de décider, de partir d’ici pour là-bas, ne plus être un prisonnier, un évadé, un déserteur.
Elle a donné du courage à ceux qui défièrent les dictatures impériales et royales qui s’en étaient débarrassés, a servi de porte-drapeau à ceux qui n’avaient pas accepté qu’on la remplace par un « Travail, Famille, Patrie » qui avalisait la honte, la soumission, la capitulation.

Mais la contradiction est le propre de l’homme et du français en particulier. Dès Robespierre, la République prit l’habitude de couper la tête à ceux qui ne pensaient pas comme elle. Plus tard, la troisième, en même temps qu’elle l’officialisait, s’occupa à priver de leur liberté des peuples, avec des méthodes ni égalitaire ni fraternelles. Même instruit à ses dépens que la liberté est précieuse, que la fraternité et l’égalité permettent de supporter l’adversité, notre pays au beau slogan se fit prier pour appliquer aux autres ce qu’il claironnait avec tant de lustre – et depuis des lustres - dans ses intérieurs.

Aujourd’hui, peut-on, en conscience, sans rougir, sans frémir continuer de nous en gargariser comme avant, le constat fait, la mémoire envolée, toute honte bue ?
Ainsi tous les hommes sont égaux par nature et devant la loi.
La nature est belle et fait bien les choses… habituellement. Admirez la succession des saisons, le va et vient des marées, le retour, chaque matin, du soleil, etc. Elle fait aussi les hommes très différents les uns des autres. La taille, la couleur de la peau, des yeux, de cheveux. Mais ces traits sont accessoires. Les qualités intérieures importent et font la différence. Elles rendent l’homme unique, même dans la multitude. La liste des différences est longue, elle est augmentée de tous les degrés, de leur association, de leur opposition.
Le catalogue est infini. On peut faire des chapitres sur le travailleur, le fainéant, le bon, le méchant, l’athée, le croyant, le fanatique, l’optimiste, le pessimiste, l’avare, le dépensier, le joueur, l’honnête, le gendarme, le voleur, le tricheur, la brute, le truand, le menteur, l’actif, le contemplatif, la fourmi, la cigale, le courageux, le couard, le généreux, le poète, le réaliste, le pragmatique, le pacifiste, l’altruiste, le végétarien, le chasseur, le tueur, le terroriste, le bavard, le taiseux, le fidèle, l’infidèle, l’intelligent, l’idiot, l’anarchiste, le lettré, l’analphabète, etc.

Égaliser est un cauchemar. Forcer le paresseux à travailler, le bavard à se taire, l’avare à donner, le végétarien à manger la viande, le chasseur à laisser vivre le faisan doré, le forcené du travail à garder la chaise longue, le muet à parler supposerait une telle violence, imposerait une telle souffrance qu’on ne le peut pas. Qui peut être assez fou pour croire que sa valeur est la norme, que c’est à l’autre de s’adapter ? Certains ont essayé, coûte que coûte : en envoyant les intellectuels à la campagne, faisant des citadins des paysans, convertissant à la pointe de l’épée, rééduquant au goulag. Pour les chantres de l’égalité à tout prix ce furent des grands hommes, des visionnaires, des révolutionnaires, à admirer, à imiter à canoniser.
Mais vous n’avez rien compris. C’est justement pour remplacer la loi de la jungle que la Constitution nous impose la sienne, nous rend égaux, qu’on le soit ou pas. Oui, c’est parfait, sur le papier, dans le marbre. Elle en rêvait mais la République ne l’a pas fait. Quand on n’est égaux en rien, inégaux sur tout, comment l’être devant la loi, l’exception confirmerait la règle ? 
La société doit s’accommoder de l’inégalité pour exister. En théorie, la fraternité est un complément utile. C’est le sentiment d’appartenir à la même fratrie, de partager les mêmes souvenirs, les mêmes valeurs, que notre histoire est leur histoire, que leurs problèmes sont nos problèmes et notre avenir se confondra.

Peut-on croire à cette profession de foi de la fraternité ? A-t-elle jamais existé ? Son complément, la solidarité a beau être institutionnalisée, il n’y a jamais eu autant de mal-logés, de sans-abri, de chômeurs, de précaires, d’exclus, de restos du cœur, de laissés pour compte, de mendiants au coin de la rue, de fin-de-droits et, à côté, des nouveaux riches, les dépenses somptuaires, les cumulards de pouvoirs, de mandats, de conseils d’administration, de prébendes. Quelle fraternité peut exister entre les plus experts, les plus malins, les plus protégés et les moins bien élevés, les moins éduqués, les bons à rien sauf à pleurer, à souffrir, à mendier ?
À une époque où les familles se déchirent, où les parents mettent à la porte leurs enfants, où les enfants oublient leur vieille mère, comment croire que les riches vont se dépouiller pour les pauvres, trahir ce qu’ils sont, eux qui ont eu tant de mal à s’enrichir, à garder la fortune quand ils l’avaient? Comment ne pas s’apercevoir que la République, depuis toujours, tolère l’extrême dispersion de l’argent.
Mais, à l’autre bout de l’échelle, demander à un paresseux de travailler c’est le soumettre à un effort impossible, une exigence contre sa nature. Comment exiger de son voisin qui, lui, se fatigue sans rechigner à soulever des parpaings, à tirer sur le câble, à monter sur le pylône, à conduire la machine, à enfoncer le clou qu’il partage son salaire, se sente responsable de celui qui le regarde, goguenard ?

Tout conspire à les éloigner. La même répulsion est à l’œuvre dans tous les autres domaines de la différence. L’athée est trop loin du fanatique religieux pour pouvoir s’en sentir complice. Chaque dissemblance nourrit l’incompréhension, l’éloignement et fait de l’autre un étranger à regarder avec indifférence au mieux, avec méfiance parfois, hostilité souvent.
La fraternité devait être une obligation morale. Elle ne pourrait exister si l’égalité – qui se veut un droit – était possible. Seuls les idéologues fanatisés par leur belle utopie y croient encore, ignorant ce qu’ils voient, paralysés par ce qu’ils croient.
Mais au moins vous ne pouvez pas dire que la liberté est morte, elle aussi. Navré mais avec un ersatz d’égalité et de fraternité, valeurs affichées, vaguement approchées, il ne peut y avoir qu’un simulacre de liberté.
La liberté est, comme les autres, une proclamation héroïque qui vaudrait pour des héros. C’est, malheureusement, une race légendaire ou, quand elle est vraie, fugace. Ils se survivent peu, finissent à l’abattoir ou retombent vite au niveau de leurs semblables et plus antihéros qu’eux, tu meurs.

Ils proclament donc que La Liberté est enfin arrivée, comme eux à leur fin. Sitôt dit, sitôt méfait. C’est une fatalité. Toutes les révolutions qui détruisent une dictature la remplacent par un absolutisme. Les prisons à peine vidées sont remplacées par des camps de rééducation aussi confortables pour ceux qui ne pensent pas au goût du jour. C’est ontologique : l’homme trahit toujours son idée d’avant dès qu’il affronte la réalité du présent. L’ex-adorateur de la pauvreté faite homme, construit des cathédrales et des palais épiscopaux ; le pacifiste se met à faire la guerre ; le gauchiste vire à droite, l’anarchiste légifère, le libertaire devient conventionnel voire réactionnaire. Malheur à celui qui ne le suit pas, il ne jouira pas longtemps de sa liberté.
Même la défense de la liberté est liberticide. Pour elle, ses chantres ne ferment pas Guantanamo. Préparé par la droite, voté par la gauche, ils votent pour qu’Internet, les portables nous espionnent, connaissent où nous allons, ce que nous aimons, qui nous voyons, quoi nous lisons. La liberté de dire, si c’est médire pour d’autres, est interdite.
Notre proclamation n’est qu’une incantation, une pétition, une belle prière, un beau rêve jetés en l’air pour épater, exalter, faire rêver. Dans la réalité, chaque terme s’oppose avec violence, se contredit, jamais la fiction n’a été aussi loin de la réalité.

Avec une égalité mythique, une fraternité d’ennemis, la liberté – même limitée – précipiterait l’éclatement de la société si divisée. Pour résister, seules des belles âmes, de purs esprits en seraient capables. Mais l’humain est cupide, égoïste, intéressé, méchant. Il le sait, voudrait être meilleur, y réussit de temps en temps, celui de crier Liberté, Égalité, Fraternité et ça recommence, le loup mange l’agneau. Même la démocratie, fille de la république l’a compris. Elle donne le pouvoir à la majorité. Avec une voix de plus elle impose son programme à ceux qui pensent, croient, veulent le contraire. Il a suffi d’un rien pour que les uns soumettent les autres qui ne gardent que la liberté de pleurer en attendant des jours meilleurs. L’hypocrisie et le mensonge sont des valeurs républicaines obligatoires. C’est triste, décevant, mais il est sage de le savoir pour s’en accommoder, ne pas en abuser, tenter d’y remédier pour ne pas tomber dans son excès même doux, avec seulement des pleins pouvoirs encadrés, des chambres d’exception, des immunités providentielles, des articles 49-3, des référendums plébiscitaires, des séances de nuit, des arrêts jamais pris, de clauses secrètes, des secrets-défense, des excès de pouvoir, des amnisties généreuses, des prérogatives régaliennes, une oligarchie dominante, des élites corruptibles, un parlement aux ordres, les uns qui rêvent à une dictature de ce qui reste du prolétariat, les autres à un État fort, tous obligés d’ouvrir des prisons, d’engager des CRS, de fermer les frontières, de serrer encore plus les ceintures. Avec 51% ils ont la liberté de le faire.  
Dès que l’intolérance des uns domine la tolérance des autres, l’égalité est rompue, la fraternité n’existe pas et la liberté impossible. Nous en sommes là et dans un pays où depuis toujours, il est interdit de mourir avant l’heure fixée par la faucheuse, de changer ce qui va mal, de déplaire à la pensée dominante, de rire de ce qui ne fait pas rire certains et où, seuls les politiciens ont le droit de faire n’importe quoi, protégés par l’aveuglement et la bêtise de ceux qui les élisent.
Donc, changeons pour du vrai la devise de la République et qu’elle affiche ce qu’elle est : Réglementation, Inégalité, Inimitié.

AUTOCRITIQUE


C’est plus fort que moi ; même mon service est vicieux. Il frôle la correctionnelle. On m’a accusé de sévices à personne en danger. Je fais du mal sans m’en apercevoir. C’est la faute à un manque d’imagination, doublé d’une absence de contrôle et de scrupule qui m’autorise une ironie facile. Je fais du mauvais esprit comme je respire et lance des sarcasmes déplacés, voire mal placés, à tout va, même à qui ne veut pas les entendre. Avec des avis non autorisés, dictés par une conviction peu établie qui a du mal à trouver le juste milieu, j’indispose les mieux disposés et me fais des ennemis dans tous les bords. Face à une opinion versatile, c’est une position peu commode, que j’ai du mal à défendre. Heureusement, j’en ai pris mon parti. Je ne ferai pas le combat de trop. Je saurai prendre le recul nécessaire, me retourner sur moi-même. Je suis fait pour le journal intime, à lire sur invitation, à la diffusion confidentielle, pour esprits éclairés ne s’offusquant pas pour si peu, sachant aller au fond des choses, démêler le vrai du faux et, surtout, qui ne parlent pas pour ne rien dire à qui ne veut pas l’entendre de cette oreille.

Tout compte fait, je me contente du peu que j’ai : un bon pain, du bon fromage, une bonne bouteille, un bon bouquin. Ça me suffit pour repartir du bon pied… dès que j’arrive à me remettre debout.

lundi 18 février 2013

PETITES ANNONCES GRATUITES


-       Carottes cuites urgent recette.

-       Vin tiré cherche petite soif.

-       Oiseau de proie cloué sol cherche aile volante bon état.

-       Donne poisson-chat. Saute très haut, plonge très bas.

-       Suite départ à la retraite, concierge de palace vend trousseau de clefs d’or. Conviendrait rat d’hôtel.

-       Pour tournée miteuse habilleuse cherche chaussettes trouvées, bas filés, chaussures percées, vêtements rapiécés, etc.

-       Oiseau de passage voulant se sédentariser cherche poulailler tout confort.

-       Échange coup de pêche bord de Loire, ombragé, pente douce : saumons, brochets, sandres, aloses, carpes, menu fretin, contre coin de paradis mitoyen Marilyn.

-       Fille-mère d’une famille nombreuse polychrome cherche parents adoptifs noir, blanc, jaune, rouge.

-       Voie de garage désaffectée cours réhabilitation cherche passage clouté, rue passante.

samedi 16 février 2013

UNE RETRAITE POUR LA VIE


C’est mathématique. Après les complémentaires, ils s’attaquent à la principale, bien forcés, eux qui seront les derniers à trinquer. Il faut s’y résigner, mais le pire est pour demain disent les pessimistes, pour après demain disent les optimistes, quand un actif s’occupera de 10 centenaires et que le nouvel emprunt servira seulement l’intérêt des anciens. Il ne restera que les yeux pour pleurer, la soupe populaire pour manger, une corde pour se pendre.

À moins que… quoi ? dites-vous avec une petite angoisse en regardant le fiston, la bambina et un vague espoir en attendant la suite ! Relax, pas d’affolement, c’est de la fiction, du mauvais cinéma, du Scream à la corbeille, comme d’habitude. Ça n’arrivera jamais. Mais, surtout, j’ai la solution : la rente perpétuelle. Un héritage des anciens temps, gagé sur des valeurs éternelles. Leurs avantages vous mettront en appétit :

-      Jouissance immédiate, dès la prise de conscience ;

-      Vente libre ;

-      Pas de quotas ;

-      Pas d’intermédiaire, de commission, de frais de garde, de frais de port, d’impôt ;

-      Les dividendes sont payés en nature, au fur et à la mesure des besoins ;

-      Et, surtout, c’est gratuit, c’est cadeau.

Les cramponnés à leur bas de laine, à leurs bons du trésor, au livret A, B, C, les fanatiques du CAC 40 qui roulent en Citron chaussé de Michelin, qui carburent au Total, se saoulent au Pernod, digèrent du Danone, se garent chez Vinci, pas de souci, c’est compatible. Mais attention au krach, s’en dégager avant l’écroulement de la Baliverna, enfin, c’est vous qui voyez.

Vous trépignez, vous vous attendez au mieux. Ouvrez vos yeux, il arrive avec :

L’air pur


Ce mélange gazeux ne supporte pas la médiocrité. Sa consommation est permanente. Il alimente le sang en oxygène, ce gaz de la vie. Son absence est mortelle. L’air est de première nécessité, d’où sa place en tête de gondole. Je m’intéresse à sa qualité extra : l’air pur. Le cahier des charges est sévère. Son prélèvement se fait dans un environnement vierge de toutes émissions de gaz nuisibles : oxyde de carbone, hydrogène sulfuré, oxydes d’azote, vapeurs suffocantes, même les gaz rares doivent respecter leur quota. Les gaz anesthésiques, capables d’endormir la vigilance et l’esprit critique, sont prohibés.

Les fauteurs d’air vicié sont éliminés: seules les voitures électriques sont admises dans l’enceinte. Les fumeurs, les individus souffrant de mauvaise haleine sont interdits de séjour, les pétomanes priés d’aller jouer de leur musique ailleurs.

AIR PUR doit être le pilier de votre portefeuille. Il lui donnera du souffle, de la force.

l’eau de source


Autre valeur vitale, l’eau est un besoin, une nécessité, un devoir à rendre à votre rein droit mais aussi, et même un UMP doit le savoir, à votre rein gauche. Il y va de votre santé. L’eau doit être pure : ni nitratée, ni mazoutée. Le plus sûr est qu’elle soit de source. La ressource est épuisable car la consommation augmente. La denrée devient rare. L’offre réussit à équilibrer la demande car les sourciers s’activent. Heureusement, le coudrier est un arbre qui pousse bien, brûle mal.

Attention, ne confondez-pas, je parle de l’eau de source sauvage. Rien à voir avec l’eau du robinet parfumée à la javel, l’eau du puits enrichie en nitrates et surtout de son ersatz, l’eau dite de source estampillée Danone, Nestlé. Captive dans sa bouteille de polypropylène, vendue très cher pour payer la pub, c’est une eau en conserve. Pitié pour elle, ne soyez pas complice. Faites un effort, oubliez l’eau embouteillée, sortez des sentiers battus, lancez-vous à la découverte de sources inconnues, jouez au sourcier des eaux nouvelles.

La ligne d’horizon


Le type même de la valeur tranquille. Sa stabilité est incomparable. Elle suit tous les mouvements de son heureux propriétaire. Vous avancez, elle avance. Vous reculez, elle recule. Je la conseille aux paralysés, aux immobiles, aux sédentaires, plus généralement à ceux qui veulent garder leurs économies en l’état et ne pas prendre de risques.

Le clair de lune.


La valeur cyclique par définition et sans surprise. Avec elle, on sait quand elle sera à son zénith, quand l’éclipse aura lieu et que son cours remontera. Son sommet reste la pleine lune. C’est un moment de majesté où sa plénitude éclaire le monde de sa lumière bleutée qu’aucun peintre n’a jamais pu saisir. C’est son heure de gloire et la raison de ma sélection. Sur les conseils du psychiatre qui me suit, je la recommande aux cyclothymiques. Leur humeur suivra ses phases. Ils seront enfin en harmonie avec le monde. C’est donc une valeur thérapeutique, recommandée par les meilleures facultés. Ceux dont la vue est fragile, qui, les nuits quand elle est pleine portent des lunettes de lune, préféreront, pour ne pas s’éblouir, le clair de l’un de ses croissants. Il y en a de toutes les dimensions et donc pour tous les goûts.

le ciel étoilé.


La valeur est sélective et ne peut être proposée qu’à une clientèle très précise. CIEL ÉTOILÉ n’intéressera que des personnalités éprises d’infini et qui ne sont pas rebutées par les questions, primordiales. Elles ne doivent pas non plus être sujettes au vertige du vide sidéral. Cette peur se guérit facilement si l’on prend la peine de s’informer. Le vide n’est que relatif car rempli d’une foule de corpuscules en tous genres, très agités. Il y a même, trop loin pour être dangereuse, de l’antimatière qui renvoie au néant tout ce qui n’est pas de sa chapelle. CIEL ÉTOILÉ est présenté aux croyants intégristes sous l’appellation de VOÛTE CÉLESTE. Le produit est le même. Il s’agit seulement de s’adapter à une clientèle qui n’a pas complètement assimilé la découverte de Galilée.

CIEL ÉTOILÉ est très dépendant de la qualité du ciel. L’acheteur ne doit pas habiter sous le vent des tours de refroidissement d’une centrale nucléaire ou dans le voisinage d’un complexe pétrochimique. Il convient, pour profiter au mieux de l’action, d’aller bivouaquer dans une zone semi désertique d’un pays sec et où les cheminées n’ont pas droit de cité. Tamanrasset est la ville idéale. A cette condition CIEL ÉTOILÉ peut être acquis en toute sérénité. Mais n’oubliez pas : valeur sensible au dépaysement.

le temps qui passe


Il ne s’agit pas du bon vieux temps ni du beau ou mauvais temps. Le premier ne reviendra pas et heureusement si on en croit les archives qui s’ouvrent enfin. Les autres sont trop capricieux pour être retenus. Le temps qui nous intéresse n’est donc pas celui supposé bon d’hier ni celui changeant d’aujourd’hui mais le temps qui passe, sans début ni fin prévisible. Dans ce temps-là, le Big Bang n’a été qu’un coup de tonnerre dans son éternité. Ce temps est, comme l’espace, son complice avec lequel certains le confondent, une valeur infinie qui, en plus, a la chance d’être éternelle. Elle ne se déprécie pas. Quelle autre valeur peut se targuer d’une telle qualité ? Immuable, elle laisse les autres traîner au fil de son courant. En vieillissant, on a l’impression qu’il accélère, pressé d’en finir. Le temps est propice aux illusions de perception. Il faut le savoir pour l’apprécier à sa juste vitesse. Sa faiblesse est là : le temps se transmet difficilement. Pour chacun, il a un terme et les pendules y sont remises à zéro. Je conseille à mes amis en grand âge de ne pas tarder à s’en débarrasser. Pour me résumer, LE TEMPS QUI PASSE vieillit mal. À acquérir et à consommer quand on est jeune.

L’air du temps et le fond de l’air


Ce sont deux valeurs refuges que j’associe car elles sont jumelles. La seule difficulté est celle du choix car l’offre est nombreuse, chacun vantant le sien. Il faut faire une sélection rigoureuse. La mienne atteint la férocité. Après beaucoup de recherches, de fatigues, de voyages dont je tairai le nombre, une seule s’est imposée. Elle est au centre du Triangle des Bermudes, cet archipel que vous trouverez dans l’Atlantique, et plus précisément dans sa capitale « Hamilton » (32°17N - 64°46W). L’endroit est connu par la chanson de Mort Schuman mais a d’autres charmes qui sont des vertus. Le climat y est tempéré et sa chaleur douce et constante permet le bermuda à l’année. À l’écart de l’anticyclone des Açores, il n’est soumis à aucune dépression. Cela garantit une stabilité à la valeur. Elle est assise sur les trésors qui s’accumulent dans ses hauts et bas fonds sous-marins, à la faveur des récifs qui ourlent délicatement ses côtes, à ses courants traîtres, à ses maelstroms qui s’ouvrent subitement sous les coques. Le développement de la navigation hauturière a fait la richesse des Bermudes. Bricoleurs et entrepreneurs, les îliens ont relié directement ces endroits gorgés d’or, d’argent, de pierres précieuses, de bouteilles d’Yquem par un système astucieux de pipelines immergés et suceurs aux coffres forts des banques off-shore établies le long de sa promenade des anglais et qui dominent les rochers les plus productifs. C’est une valeur de croissance à la rentabilité assurée. La valeur tentera le boursicoteur ayant eu des ancêtres dans la flibuste. Il se fera plaisir tout en satisfaisant les mânes de ses aïeux.

L’espace


L’ESPACE est une valeur piège. Il convient de l’aborder avec précaution. Seuls les adeptes du saut à l’élastique, du parachutisme sans parachute, du patin à glace sur un iceberg à la dérive dans les 40èmes rugissantes peuvent s’y risquer avec profit.

Sur terre, l’espace est limité par les murs, les barrières, les frontières, les champs de mines, les interdictions de stationner, de circuler, etc. Le ciel est certes un espace visible avec une limite qui va loin mais il est inaccessible car la pesanteur nous colle au sol. Pour y voyager, voyez les boîtes en fer blanc où on s’entasse pour courir le risque d’en tomber et de se faire mal.

L’espace est donc une illusion, un mirage dans certains endroits. Des escrocs vous proposeront des vues imprenables, des panoramas à couper le souffle. Méfiez vous. Notre espace est limité. Il se rétrécit même. La mer monte, la terre descend et il y a de plus en plus de monde. Si vous faites partie de ceux qui n’ont peur de rien, embarquez plutôt sur la prochaine fusée pour Saturne.

 

Si, difficile, votre bonheur n’est pas dans cette liste, vous le trouverez ailleurs. Épicure et bien d’autres vous conseilleront. Leurs valeurs sont recommandables. Vous pourrez les cultiver de façon intensive pour remplir votre retraite éborgnée.

Les bonheurs simples sont les plus accessibles : une gorgée de bière pour ceux qui l’aiment, mais ce peut être un clin d’œil, un coucher de soleil ou, si vous êtes un lève-tôt, un beau lever en regardant vers l’Est, une bonne fortune fortuite, une petite brise, une grosse vague si vous êtes surfeur, du froid quand il fait trop chaud, du chaud quand on a froid. En insistant vous en trouverez plein d’autres.

Les bonnes idées qui font les belles pensées donnent des bonheurs plus sophistiqués. Ils demanderont des sacrifices. D’abord, gagner du temps en ne le perdant plus à regarder monsieur Arthur, la famille Drucker, les cadavres des Experts, de Dexter, de Bones. Puis, en réapprenant à lire pour savoir ce que les livres ont à vous dire. Cette caverne d’Ali-Baba est à chercher sur les rayons des bibliothèques et dans les médiathèques. Et puis, entre deux promenades, deux rêves, deux lectures, vous aurez une petite faim. Plutôt que de remplir votre caddie de cochonneries surgelées toutes préparées, à réchauffer, apprenez à cuisiner, à mijoter des bons petits plats avec de bons produits, sans pesticides, achetés pas loin de chez vous. Vous économiserez dans le pharmacien, le chirurgien, éviterez l’obésité, le cancer, l’hypertension, l’infarctus, vous n’aurez pas perdu votre temps, vous éviterez des grands malheurs remplis de douleurs.

Les valeurs que vous aurez ajoutées à votre troisième âge compenseront la baisse de revenus. Comprenne qui voudra !

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mardi 12 février 2013

ANNONCE PRIORITAIRE URBI ET ORBI


Urgent. Cause départ à la retraite anticipé, imprévu, poste de PDG à pourvoir.

Vous dirigerez une équipe dynamique et participerez au développement d’une entreprise multicentenaire ayant gardé son caractère familial malgré un développement à l’international ayant atteint une dimension mondiale. Son projet, basé sur des valeurs spirituelles de haut niveau favorise l’épanouissement des fortes qualités humaines de tous les organisateurs, de ses services nombreux et des membres des communautés de toutes sortes qui participent à son rayonnement sur les cinq continents.

Seul maître à bord, doté de pouvoirs dictatoriaux (exécutifs, législatifs et judiciaires) n’en référant qu’au Très Haut, vous serez amené à définir, dans le secret de votre conscience et à l’aide d’une infaillibilité attachée à la fonction, les grandes orientations de votre administration.

Vous assurerez le relationnel avec les gouvernements étrangers ; élaborerez les projets stratégiques ; mettrez en œuvre les réformes nécessaires ; animerez les grandes manifestations promotionnelles ou publicitaires.

Vous serez responsable aussi du choix de la haute direction qui formera votre gouvernement privé ainsi que des conseillers occultes qui vous aideront dans les tâches quotidiennes.

Votre formation préalable a développé des compétences managériales élevées, votre capacité à créer et à développer un réseau relationnel et à concrétiser avec succès vos plans d’action. Vous y avez fait la preuve de votre force de conviction et d’une ténacité qui fait l’admiration de plus d’un.

Des qualités physiques exceptionnelles sont requises pour évoluer à ce poste unique, dans des conditions optimales.

Sexe masculin obligatoire, caractère XY affirmé, sans ambiguïté. Célibataire endurci (divorcé, polygame s’abstenir). Belle voix de baryton recommandée (connaissances du solfège souhaitées). Bonne présentation, démarche assurée et confiante avec pas certain (sans boiterie) car déplacements fréquents. Santé de fer. Suite dans les idées (le poste est exigeant, avec disponibilité permanente, bonne mémoire, sens de la dialectique, esprit de repartie).

Vous maîtrisez l’Italien, le latin de cuisine, le droit canon. Vous êtes à l’aise dans les langues africaines (Swahili, Masaï, Wolof, Haussa, Français, Zoulou, Anglais).

Vous résiderez au siège central de l’entreprise dont vous aurez la pleine jouissance, dans un paradis fiscal au cœur de l’Europe, très bien desservi par les principales compagnies aériennes.

Vous déciderez vous-même du montant de la rémunération indexée sur le denier du culte, un vieil impôt créé par un de vos lointains prédécesseurs.

Les avantages en nature sont de deux sortes :

Les uns sont matériels et conséquents :

1.     Résidence secondaire au fond d’un volcan ;

2.    Voitures et avion de fonction ;

3.    Personnel de maison stylé et nombreux ;

4.    Chapelle et confesseur privés ;

5.    Armée privée.

Prévoir un carnet de vaccination à jour (fièvre jaune, choléra, palu) car transfert probable et prochain du siège en Afrique, terre d’avenir, en expansion pour notre multinationale (en perte de vitesse dans le vieux continent devenu terre de prospection) à l’ombre de la principale salle de réunion délocalisée à Yamoussoukro (Côte d’Ivoire) depuis longtemps.

Les autres sont liées à la nature de la fonction. De simple mortel, doté de pouvoirs limités par une faiblesse humaine qui n’a plus à faire ses preuves tant elle est reconnue comme idiosyncratique, vous allez acquérir, si vous parvenez à éliminer tous les autres candidats, des qualités surnaturelles qui vont vous transformer en un super héros digne d’une bande dessinée de Frank Miller. Dès l’onction acquise, vous devenez :

1.     Infaillible (vous tromper devient impossible, que vous le vouliez ou non, dans l’exercice de vos fonctions. Mais cela reste possible dans le choix de la couleur de vos chaussettes).

2.    Vous avez le pouvoir de canoniser ou de béatifier qui vous voulez ;

3.    Vous devenez indulgent envers qui vous voulez ;

4.    Votre pouvoir est illimité dans toutes les directions : ordinaire, suprême, plénier, immédiat et universel ;

5.    Enfin, vous devenez le seul terrien en contact personnel avec le plus puissant des extra-terrestres, le créateur de toutes les choses (astres, trous noirs, vide cosmique, éternité, etc.). Il reçoit vos confidences, vous doutes, vos problèmes. Il solutionne tout, en vous laissant le mot de la fin.

Il faut admettre que, compte tenu de la position au sommet de la pyramide, la seule possibilité d’évolution dans la carrière est la démission.

Merci d’adresser votre candidature (lettre de motivation manuscrite, C.V., prétentions) sous la référence 3131 à la curie avant la date butoir.  

dimanche 10 février 2013

PETITES ANNONCES GRATUITES


 

-      Roue de secours vierge cherche bouée de sauvetage expérimentée.

-      Marraine cherche marin pour co-cabotage.

-      Bon père cherche bonne sœur pour prier ensemble.

-      Ermite en panne de conversation cherche pécheur en mal de confession.

-      Sauteur à la perche ayant pris du poids cherche saut à l’élastique.

-      Dur-à-cuire ayant moment de faiblesse cherche tendron pour occuper temps mort.

-      Chien méchant protégerait dame seule, caressante contre gîte et couvert.

-      Faucon pèlerin en route pour Compostelle cherche pigeons, tourterelles et autres bécassines comme compagnons de vol.

-      Piston bien placé pourrait rendre grands services.

-      Donne poisson mort. Pourrait servir à manger à chat-rognard.

-      Pour réunion de famille à Paris, champignon de couche du côté de Saumur cherche co-voiturage.

-      Sniper démobilisé, médaillé, outillé, cherche cible mobile, dépressive longue portée.

-      Chien courant dégoûté de chasser cherche chenil de nuit.

-      Perroquet mal du pays, donnerait cours contre billet de retour au Matto Grosso.

-      Vache laitière en instance de réforme, toujours gaillarde, belle robe, beaucoup de tenue, sachant se retenir, accepte figuration tout spectacle même dénudé.

-      Hache de guerre déterrée cherche fossoyeur qualifié pour retrouver la paix.

-      Dame cul-de-jatte cherche manchot pour concours de valse.

jeudi 7 février 2013

RETOUR DANS LE PASSÉ


Jeunes enfants, maintenant plus vieux, vous vous rappelez des joyeux films de R. Zemeckis dans le temps, surtout passé. Plus que de Wells, il s’inspirait de nous, les français, qui adorons voyager dans le rebours. Avec une délectation qui fait peine à voir nous recréons, obstinément, tous les malheurs de nos ancêtres.  

Nous retournons à belle allure dans nos époques guerrières où les coalisés nous encerclaient prêts à défoncer nos frontières et où, à l’intérieur, la guerre civile ravageait villes et campagnes.

Aujourd’hui, comme toujours – mais c’est consubstantiel, idiosyncratique, ontologique, intrinsèque – nous livrons bataille.

Le front intérieur mobilise tous les civils en état de se battre. On ne les appelle pas encore gardes civiles. Ils sont aux premières lignes. L’ennemi est connu mais insaisissable, se fond dans le décor, fait dans la défense passive, dresse des embuscades, joue de la surprise, aime les coups bas, les traquenards, sabote les armistices.

Malgré leur bonne volonté, leurs bonnes intentions, de bonnes paroles, nos troupes n’arrivent pas à contenir le chômage, la pauvreté, le cancer, l’insécurité, la hausse des prix. Leur moral est en baisse, presque en berne. 

Mais, me direz-vous, ce que vous décrivez c’est une guerre citoyenne. Elle a raison de galvaniser les forces vives de la nation. J’y vois de la grandeur, pas de la faiblesse. Moi aussi, rassurez-vous, mais, pour la gagner il nous faudrait des grands esprits, de belles âmes, du courage, de l’imagination, des idées. Le moule est perdu. On ne nous mène pas à la victoire mais à l’abattoir, nos irresponsables, des hiérarques issus de l’énarchie sont aux commandes – depuis toujours –. Ils entretiennent sournoisement, pour garder leurs palais, leurs fonctions, leurs prébendes, le pouvoir, une guerre civile larvée, rampante, comme au bon vieux temps de Ravaillac, des bleus et blancs, de la Commune. Ils la nourrissent en flattant les corporatismes cramponnés à leur conservatisme hérité des bâtisseurs de cathédrales. Ils la cultivent en arrosant grassement des syndicats croupions, acharnés à défendre des avantages acquis, temporaires pour ceux qui ont encore du travail et définitifs pour les enfants des troupes de l’État. Pour ne laisser personne démobilisé, ils ressuscitent le mariage, un mythe disparu, pour faire s’affronter dans la rue des unipolaires frustrés et des bipolaires furieux pour qui forniquer sans être béni par un vieux célibataire vierge ou castrat est un péché.

Nos avatars gouvernementaux fractionnés en options, tendances, nuances s’étripent dans leurs congrès, leurs palais, même au conseil suprême. Les autres, dans l’opposition, s’opposent entre eux, n’arrivant pas à décider qui a la plus grosse. Les écologistes déglingués par toutes les cochonneries qui leur permettent d’exister s’épuisent en sorcellerie.

Le ministre des armées intérieures mobilise ses gardes qu’il tenait immobiles, leur envoi en renfort ses compagnies de sécurité renforcée pour réduire à néant des innocents et des fugueuses retranchés dans des champs de muguet et de mâche. Un autre de ses collègues, tout aussi inspiré fait la chasse aux riches, responsables du malheur des pauvres. Il renoue ainsi, ce ministre régalien, avec un glorieux et royal ancêtre qu’il nous avait caché : Louis XIV qui, dans un geste auguste et solennel avait signé, le 18 octobre 1685 la révocation de l’Édit de Nantes condamnant à l’exil 200.000 protestants. Ils avaient été accueillis, toutes cloches carillonnantes, en Allemagne, en Autriche, en Belgique, en Hollande, en Angleterre. Ces ennemis de la France n’en revenaient pas de ce royal cadeau fait d’or, d’intelligence, de savoir-faire, de savoir-vivre. Cette saignée nous a rendus anémiques pour toujours.

Comme je vous le disais, plus on avance, mieux on recule. L’état-major de l’ennemi extérieur regroupé à Bruxelles aiguise ses couteaux avec les gnomes de Zurich cachés dans leurs coffres-forts, les traders félons de la City retranchés dans leurs backrooms infâmes et les mercenaires de Wall Street prêts à tirer leur épingle du jeu avant l’effondrement de la Baliverna. Ils n’attendent qu’un instant de faiblesse pour exiger le remboursement des prêts, la satisfaction de leurs revendications et l’abdication de notre indépendance. Mais il faut détourner l’attention de ces menaces étrangères, ne pas laisser cauchemarder sur ces cohortes mercenaires qui voudraient faire la loi dans nos cités avant de la faire dans nos foyers.

Nos gouvernants renouent avec la folie guerrière de Napoléon  - quoi de mieux que la tradition ? – sans retenir les leçons de son échec. Au début, il lui fallait attaquer pour éviter d’être obligé de se défendre. L’épuisement venant, il lui a fallu se défendre contre les attaques et comme il n’en pouvait plus, ce fut Waterloo.

Nous n’en sommes pas là. Malgré la concurrence sauvage, les faux amis, les faux alliés, l’inertie, l’aboulie nous avons encore la force de tenir debout grâce aux stimulants autorisés, de garder le moral grâce à une surconsommation de tranquillisants antidépresseurs remboursables, de ne pas mendier grâce à l’assistance sociale générale. Nous sommes même capables de projeter nos dernières forces dans des offensives off-shore. Incapables de faire la paix entre nous, nous aimons jouer les faiseurs de paix dans des pays incertains, de constitution fragile, aux frontières floues, sûrs d’y laisser des plumes, d’en partir plus ou moins chassés, forts d’un masochisme ancestral, armés d’une amnésie congénitale. Nous y partons sous les vivats des bellicistes et des pacifistes sachant déjà qu’on en reviendra avec des rescapés, des éclopés, des cercueils pleurés par des veuves et des orphelins. Une fois de plus, on aura joué à la guerre perdue d’avance, là-bas aussi mal qu’ici.