Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


samedi 16 février 2013

UNE RETRAITE POUR LA VIE


C’est mathématique. Après les complémentaires, ils s’attaquent à la principale, bien forcés, eux qui seront les derniers à trinquer. Il faut s’y résigner, mais le pire est pour demain disent les pessimistes, pour après demain disent les optimistes, quand un actif s’occupera de 10 centenaires et que le nouvel emprunt servira seulement l’intérêt des anciens. Il ne restera que les yeux pour pleurer, la soupe populaire pour manger, une corde pour se pendre.

À moins que… quoi ? dites-vous avec une petite angoisse en regardant le fiston, la bambina et un vague espoir en attendant la suite ! Relax, pas d’affolement, c’est de la fiction, du mauvais cinéma, du Scream à la corbeille, comme d’habitude. Ça n’arrivera jamais. Mais, surtout, j’ai la solution : la rente perpétuelle. Un héritage des anciens temps, gagé sur des valeurs éternelles. Leurs avantages vous mettront en appétit :

-      Jouissance immédiate, dès la prise de conscience ;

-      Vente libre ;

-      Pas de quotas ;

-      Pas d’intermédiaire, de commission, de frais de garde, de frais de port, d’impôt ;

-      Les dividendes sont payés en nature, au fur et à la mesure des besoins ;

-      Et, surtout, c’est gratuit, c’est cadeau.

Les cramponnés à leur bas de laine, à leurs bons du trésor, au livret A, B, C, les fanatiques du CAC 40 qui roulent en Citron chaussé de Michelin, qui carburent au Total, se saoulent au Pernod, digèrent du Danone, se garent chez Vinci, pas de souci, c’est compatible. Mais attention au krach, s’en dégager avant l’écroulement de la Baliverna, enfin, c’est vous qui voyez.

Vous trépignez, vous vous attendez au mieux. Ouvrez vos yeux, il arrive avec :

L’air pur


Ce mélange gazeux ne supporte pas la médiocrité. Sa consommation est permanente. Il alimente le sang en oxygène, ce gaz de la vie. Son absence est mortelle. L’air est de première nécessité, d’où sa place en tête de gondole. Je m’intéresse à sa qualité extra : l’air pur. Le cahier des charges est sévère. Son prélèvement se fait dans un environnement vierge de toutes émissions de gaz nuisibles : oxyde de carbone, hydrogène sulfuré, oxydes d’azote, vapeurs suffocantes, même les gaz rares doivent respecter leur quota. Les gaz anesthésiques, capables d’endormir la vigilance et l’esprit critique, sont prohibés.

Les fauteurs d’air vicié sont éliminés: seules les voitures électriques sont admises dans l’enceinte. Les fumeurs, les individus souffrant de mauvaise haleine sont interdits de séjour, les pétomanes priés d’aller jouer de leur musique ailleurs.

AIR PUR doit être le pilier de votre portefeuille. Il lui donnera du souffle, de la force.

l’eau de source


Autre valeur vitale, l’eau est un besoin, une nécessité, un devoir à rendre à votre rein droit mais aussi, et même un UMP doit le savoir, à votre rein gauche. Il y va de votre santé. L’eau doit être pure : ni nitratée, ni mazoutée. Le plus sûr est qu’elle soit de source. La ressource est épuisable car la consommation augmente. La denrée devient rare. L’offre réussit à équilibrer la demande car les sourciers s’activent. Heureusement, le coudrier est un arbre qui pousse bien, brûle mal.

Attention, ne confondez-pas, je parle de l’eau de source sauvage. Rien à voir avec l’eau du robinet parfumée à la javel, l’eau du puits enrichie en nitrates et surtout de son ersatz, l’eau dite de source estampillée Danone, Nestlé. Captive dans sa bouteille de polypropylène, vendue très cher pour payer la pub, c’est une eau en conserve. Pitié pour elle, ne soyez pas complice. Faites un effort, oubliez l’eau embouteillée, sortez des sentiers battus, lancez-vous à la découverte de sources inconnues, jouez au sourcier des eaux nouvelles.

La ligne d’horizon


Le type même de la valeur tranquille. Sa stabilité est incomparable. Elle suit tous les mouvements de son heureux propriétaire. Vous avancez, elle avance. Vous reculez, elle recule. Je la conseille aux paralysés, aux immobiles, aux sédentaires, plus généralement à ceux qui veulent garder leurs économies en l’état et ne pas prendre de risques.

Le clair de lune.


La valeur cyclique par définition et sans surprise. Avec elle, on sait quand elle sera à son zénith, quand l’éclipse aura lieu et que son cours remontera. Son sommet reste la pleine lune. C’est un moment de majesté où sa plénitude éclaire le monde de sa lumière bleutée qu’aucun peintre n’a jamais pu saisir. C’est son heure de gloire et la raison de ma sélection. Sur les conseils du psychiatre qui me suit, je la recommande aux cyclothymiques. Leur humeur suivra ses phases. Ils seront enfin en harmonie avec le monde. C’est donc une valeur thérapeutique, recommandée par les meilleures facultés. Ceux dont la vue est fragile, qui, les nuits quand elle est pleine portent des lunettes de lune, préféreront, pour ne pas s’éblouir, le clair de l’un de ses croissants. Il y en a de toutes les dimensions et donc pour tous les goûts.

le ciel étoilé.


La valeur est sélective et ne peut être proposée qu’à une clientèle très précise. CIEL ÉTOILÉ n’intéressera que des personnalités éprises d’infini et qui ne sont pas rebutées par les questions, primordiales. Elles ne doivent pas non plus être sujettes au vertige du vide sidéral. Cette peur se guérit facilement si l’on prend la peine de s’informer. Le vide n’est que relatif car rempli d’une foule de corpuscules en tous genres, très agités. Il y a même, trop loin pour être dangereuse, de l’antimatière qui renvoie au néant tout ce qui n’est pas de sa chapelle. CIEL ÉTOILÉ est présenté aux croyants intégristes sous l’appellation de VOÛTE CÉLESTE. Le produit est le même. Il s’agit seulement de s’adapter à une clientèle qui n’a pas complètement assimilé la découverte de Galilée.

CIEL ÉTOILÉ est très dépendant de la qualité du ciel. L’acheteur ne doit pas habiter sous le vent des tours de refroidissement d’une centrale nucléaire ou dans le voisinage d’un complexe pétrochimique. Il convient, pour profiter au mieux de l’action, d’aller bivouaquer dans une zone semi désertique d’un pays sec et où les cheminées n’ont pas droit de cité. Tamanrasset est la ville idéale. A cette condition CIEL ÉTOILÉ peut être acquis en toute sérénité. Mais n’oubliez pas : valeur sensible au dépaysement.

le temps qui passe


Il ne s’agit pas du bon vieux temps ni du beau ou mauvais temps. Le premier ne reviendra pas et heureusement si on en croit les archives qui s’ouvrent enfin. Les autres sont trop capricieux pour être retenus. Le temps qui nous intéresse n’est donc pas celui supposé bon d’hier ni celui changeant d’aujourd’hui mais le temps qui passe, sans début ni fin prévisible. Dans ce temps-là, le Big Bang n’a été qu’un coup de tonnerre dans son éternité. Ce temps est, comme l’espace, son complice avec lequel certains le confondent, une valeur infinie qui, en plus, a la chance d’être éternelle. Elle ne se déprécie pas. Quelle autre valeur peut se targuer d’une telle qualité ? Immuable, elle laisse les autres traîner au fil de son courant. En vieillissant, on a l’impression qu’il accélère, pressé d’en finir. Le temps est propice aux illusions de perception. Il faut le savoir pour l’apprécier à sa juste vitesse. Sa faiblesse est là : le temps se transmet difficilement. Pour chacun, il a un terme et les pendules y sont remises à zéro. Je conseille à mes amis en grand âge de ne pas tarder à s’en débarrasser. Pour me résumer, LE TEMPS QUI PASSE vieillit mal. À acquérir et à consommer quand on est jeune.

L’air du temps et le fond de l’air


Ce sont deux valeurs refuges que j’associe car elles sont jumelles. La seule difficulté est celle du choix car l’offre est nombreuse, chacun vantant le sien. Il faut faire une sélection rigoureuse. La mienne atteint la férocité. Après beaucoup de recherches, de fatigues, de voyages dont je tairai le nombre, une seule s’est imposée. Elle est au centre du Triangle des Bermudes, cet archipel que vous trouverez dans l’Atlantique, et plus précisément dans sa capitale « Hamilton » (32°17N - 64°46W). L’endroit est connu par la chanson de Mort Schuman mais a d’autres charmes qui sont des vertus. Le climat y est tempéré et sa chaleur douce et constante permet le bermuda à l’année. À l’écart de l’anticyclone des Açores, il n’est soumis à aucune dépression. Cela garantit une stabilité à la valeur. Elle est assise sur les trésors qui s’accumulent dans ses hauts et bas fonds sous-marins, à la faveur des récifs qui ourlent délicatement ses côtes, à ses courants traîtres, à ses maelstroms qui s’ouvrent subitement sous les coques. Le développement de la navigation hauturière a fait la richesse des Bermudes. Bricoleurs et entrepreneurs, les îliens ont relié directement ces endroits gorgés d’or, d’argent, de pierres précieuses, de bouteilles d’Yquem par un système astucieux de pipelines immergés et suceurs aux coffres forts des banques off-shore établies le long de sa promenade des anglais et qui dominent les rochers les plus productifs. C’est une valeur de croissance à la rentabilité assurée. La valeur tentera le boursicoteur ayant eu des ancêtres dans la flibuste. Il se fera plaisir tout en satisfaisant les mânes de ses aïeux.

L’espace


L’ESPACE est une valeur piège. Il convient de l’aborder avec précaution. Seuls les adeptes du saut à l’élastique, du parachutisme sans parachute, du patin à glace sur un iceberg à la dérive dans les 40èmes rugissantes peuvent s’y risquer avec profit.

Sur terre, l’espace est limité par les murs, les barrières, les frontières, les champs de mines, les interdictions de stationner, de circuler, etc. Le ciel est certes un espace visible avec une limite qui va loin mais il est inaccessible car la pesanteur nous colle au sol. Pour y voyager, voyez les boîtes en fer blanc où on s’entasse pour courir le risque d’en tomber et de se faire mal.

L’espace est donc une illusion, un mirage dans certains endroits. Des escrocs vous proposeront des vues imprenables, des panoramas à couper le souffle. Méfiez vous. Notre espace est limité. Il se rétrécit même. La mer monte, la terre descend et il y a de plus en plus de monde. Si vous faites partie de ceux qui n’ont peur de rien, embarquez plutôt sur la prochaine fusée pour Saturne.

 

Si, difficile, votre bonheur n’est pas dans cette liste, vous le trouverez ailleurs. Épicure et bien d’autres vous conseilleront. Leurs valeurs sont recommandables. Vous pourrez les cultiver de façon intensive pour remplir votre retraite éborgnée.

Les bonheurs simples sont les plus accessibles : une gorgée de bière pour ceux qui l’aiment, mais ce peut être un clin d’œil, un coucher de soleil ou, si vous êtes un lève-tôt, un beau lever en regardant vers l’Est, une bonne fortune fortuite, une petite brise, une grosse vague si vous êtes surfeur, du froid quand il fait trop chaud, du chaud quand on a froid. En insistant vous en trouverez plein d’autres.

Les bonnes idées qui font les belles pensées donnent des bonheurs plus sophistiqués. Ils demanderont des sacrifices. D’abord, gagner du temps en ne le perdant plus à regarder monsieur Arthur, la famille Drucker, les cadavres des Experts, de Dexter, de Bones. Puis, en réapprenant à lire pour savoir ce que les livres ont à vous dire. Cette caverne d’Ali-Baba est à chercher sur les rayons des bibliothèques et dans les médiathèques. Et puis, entre deux promenades, deux rêves, deux lectures, vous aurez une petite faim. Plutôt que de remplir votre caddie de cochonneries surgelées toutes préparées, à réchauffer, apprenez à cuisiner, à mijoter des bons petits plats avec de bons produits, sans pesticides, achetés pas loin de chez vous. Vous économiserez dans le pharmacien, le chirurgien, éviterez l’obésité, le cancer, l’hypertension, l’infarctus, vous n’aurez pas perdu votre temps, vous éviterez des grands malheurs remplis de douleurs.

Les valeurs que vous aurez ajoutées à votre troisième âge compenseront la baisse de revenus. Comprenne qui voudra !

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