L’ami est l’âme sœur qui entre en résonnance, la même idée
de soi-même qu’on partage avec l’autre. L’amitié permet le dialogue à égalité.
Elle enrichit de ce que chacun offre. C’est un remède à la solitude, un secours
dans l’ennui, une défense contre la peur, une oreille qui écoute. L’ami répond
à la question qui n’a pas été posée, respecte le silence quand la douleur est
là, le comble au bon moment, à la bonne mesure.
L’essentiel de ce que l’on pense être un véritable ami étant
dit, passons ceux que l’on connaît à son crible et voyons combien il en reste.
La liste des amis est longue. Citons-en quelques uns :
l’ami de passage, perdu de vue, d’un jour, encombrant, le faux ami, de
toujours, le bon ami, de travail, nécessaire, d’héritage, numérique et j’en
oublie.
Nous commencerons par le plus célèbre, le plus ancien :
l’ami d’enfance.
L’âge de cette amitié suit le nôtre à la culotte. C’est son
péché originel et il ne s’en remettra pas. Il date. Quand on le voit, l’ami
d’enfance, ratatiné, déglingué, il donne le cafard car on est comme on le voit.
Il gâche la journée. Il faut distinguer l’ami de toujours, un permanent, de
lui, l’intermittent. Il refait surface au hasard d’un trottoir, autour d’un
cénotaphe, dans la chaleur d’un banquet.
L’ami d’enfance n’a rien à donner qu’un coup de vieux. Il met K.O.
debout les deux. À la peine de se reconnaître succède la difficulté de
rafistoler une amitié dont on s’était bien passé. Le mieux serait de paraître
pressé, de se saluer gentiment : « Quelle bonne surprise, se rencontrer
après tant d’années, comme le monde est petit, etc… » Et de suivre son
chemin. Il faudrait résister à la tentation de ressusciter son enfance et à la
curiosité de savoir ce qu’a fait de sa vie ce compagnon des bancs de l’école. Les
souvenirs de ces temps-là paraissent trop dérisoires, les plus vivaces peu
agréables et font qu’on a plus envie de les enterrer que de s’en amuser. On se
rend compte que l’ami d’enfance n’était qu’un ami de circonstance, de rencontre,
comme beaucoup d’autres qui suivront et qui s’accrocheront un moment à la mémoire.
Comme ceux-ci, il ne supporte pas la comparaison avec l’idéal amical. Il
n’était qu’une relation de passage. De commun on n’avait que l’âge, les devoirs,
les leçons. On partageait la cour de récréation, les mêmes obligations, c’était,
au mieux, un bon copain. Cette amitié d’enfance s’épuise
vite, est-ce une erreur de jeunesse, une illusion de vieillesse?
Le vrai ami d’enfance est d’une autre trempe. Les
retrouvailles ne doivent rien à la chance. Il
été débusqué tel un trésor caché, présent dans les souvenirs, il
continuait de manquer. On lui est redevable à cet ami d’enfance-là d’avoir été
autre chose qu’un condisciple anonyme. On avait une connivence sans
concurrence, un compagnonnage fraternel. Grâce à lui la discipline était moins
rude, l’ennui moins profond. Une souvenance de cette engeance ne peut vieillir
et rajeunit.
(à suivre)
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