Le 27 septembre dernier, nous vous annoncions qu’une arme
virologique s’était échappée, suite à un accident dans un laboratoire secret de
l’armée. Le virus IN3Zy, dit virus de la moralité, grâce à sa diffusion
hydro-aérienne et à une capacité reproductive exponentielle a contaminé, en
quelques jours, la population mondiale.
Un premier bilan des conséquences de l’épidémie de moralité
peut déjà être fait. Tous les pays ont été frappés. Nous nous bornerons à
énumérer celles qui sont en train de bouleverser la vie de notre pays.
La population a été d’abord frappée de stupeur quand elle a
vu se presser aux portes des tribunaux, des postes de police et de gendarmerie
mais aussi des prisons, une foule de femmes et d’hommes demandant, en larmes, à
être incarcérés. Ils exigeaient leur punition pour des méfaits dont ils
s’accusaient avec véhémence. Ils leur étaient devenus insupportables. En prêtant
attention à chacun, on entendait des accusations terribles. On comprenait que
cette foule larmoyante était faite de voleurs, de violeurs, d’assassins,
d’escrocs, de faussaires, de trafiquants, etc. Ils venaient se livrer pour être
punis de leurs vilenies, ne supportant plus leur indignité.
Très spectaculaire a été aussi la vague de démissions des
responsables de la haute administration dans la police, la justice et dans
beaucoup d’autres services de l’État. Pour justifier leur décision, ces
fonctionnaires avouèrent s’être rendus coupables de falsifications de preuves,
s’être laissés acheter, d’avoir vendu des renseignements, favorisé des
entreprises, maquillé des preuves, vendu leur influence, accepté des pots de
vin, fait condamner des innocents, extorqué des aveux.
Le Sénat, l’Assemblée nationale se transformèrent en cour de
justice et l’on vit à la tribune un défilé de parlementaires avouer des
mensonges, leurs reniements, leurs conflits d‘intérêt, leurs concussions, leurs
trahisons, leur prévarications.
Personne ne fut épargné. Aucun secteur d’activité n’échappa
au besoin de vertu qui agita l’âme, l’esprit de tous.
La première page des journaux cessa d’être remplie de la
rumeur des guerres et de la vie des peoples. Elle se transforma en actes de
contrition. Les plus fameux journalistes politiques s’accusèrent d’avoir
manipulé l’opinion, d’être aux ordres de leurs patrons, banquiers et hommes
d’affaires, de défendre leurs intérêts. Ils avouèrent être partisans, partiaux,
mensongers, n’ayant que l’argent, le pouvoir, la gloire comme objectifs et
méprisant la vérité. Leur besoin d’expiation atteignant une dimension qui laissait
craindre qu’il leur serait difficile de se supporter très longtemps.
Les syndicalistes se flagellèrent en public en s'accusant de
se moquer de leurs mandataires.
Des publicitaires, des médecins, des pharmaciens, avouèrent,
en place publique par des communiqués, des lettres placardées sur la porte de
leur bureau, de leur domicile, sur des affiches, leurs turpitudes et en
détaillaient, avec une sévérité masochiste tous les détails.
Les banquiers ne supportant plus leurs activité se cachaient
ou s’enrôlaient chez les petits frères des pauvres. Les banques fermèrent. Les
buralistes n’acceptant plus de vendre des cigarettes qui apportaient la mort, fermaient
leur boutique. Les fabricants de pesticides, brutalement conscients
d’empoisonner la nature, stoppèrent leur production.
Les tueurs des abattoirs, les pêcheurs sur les chalutiers,
refusèrent, du jour au lendemain, de continuer à abattre les bêtes, de ravager
les populations marines : de quel droit s’arroger ce pouvoir ? La vie
est sacrée. Telle fut la voix qu’ils entendirent brusquement à l’intérieur de
leur conscience. Les boucheries, les charcuteries, les poissonneries baissèrent
leur rideau, en accord complet avec leurs fournisseurs de chair fraîche.
La prise de conscience de la noirceur de leur vie
antérieure, plongea les plus fragiles dans une détresse intolérable. Une vague
de suicides décima les rangs de tous ces convertis tombés dans une dépression
insoutenable. L’hécatombe prit de telles proportions qu’on put croire que
l’honnêteté, symbole de la moralité, avait été l’exception.
Ainsi, du jour au lendemain, la société française retrouva
le sens du bien et ne supporta plus le mal qu’elle faisait. Ne plus mentir, ne
plus trahir, ne plus tuer, respecter l’autre, n’abuser de rien devint une
exigence, un devoir, une obligation. Ce qui hier n’intéressait que les
utopistes, des marginaux, des idéalistes, des doux dingues devint la vérité de
tous.
Un nouveau monde est en train de surgir. Pour le moment, on
ne sait pas ce que le prochain sera, car la pagaille est à son comble. Plus
rien ne marche. Aucune grève générale n’a provoqué une telle paralysie. Le
chaos est total. On ignore ce qui succédera à la barbarie et si la vertu
triomphante ne fera pas regretter le vice d’hier… !
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à suivre