De l’amont du mont, à la source, joyeuse, innocente
et pure, l’eau vive court vers l’aval du val, à la mer.
Forte de ses sœurs, elle s’étoffe, se renforce,
prend du volume et du corps. Pleine d’énergie, elle anime au passage des turbines
qui vont éclairer les consciences et quelques réverbères.
Son eau claire l’est de moins en moins, troublée
par les poissons qui y frétillent, les bouchons qui y trempent, le linge sale
qui s’y lessive, les incontinents qui s’y baignent.
Moins pressée, elle prend ses aises, ralentit, se
prélasse d’une berge à l’autre, reçoit les hommages de quelques affluents, s’embourbe
ici et là avant d’accélérer au saut d’un barrage. Infatigable, intarissable, à
peine affaiblie par quelques prélèvements obligatoires, elle suit sa pente
naturelle, au rythme des péniches qu’elle accepte sur son dos, maintenant large.
On ne voit plus son fond. Il reste bon, trop profond et encombré de mille
choses qui ne devraient pas y être. De cristal de roche l’eau est devenue, vers
sa fin dans l’estuaire, une purée de pois, une soupe à la grimace. Même les
poissons n’en peuvent plus, ils partent à son fil, le ventre en l’air. Elle
disparaît enfin, dans la mer, sa dernière demeure, s’y refait une santé avec
l’espoir de renaître un jour, de monter au ciel pour, dans les nuages, un
voyage au long cours qui, croit-elle, n’en finira jamais. La pauvre !
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