MANIAC

Il y a plusieurs façons de raconter l'histoire du passé. La classique la prêche depuis une chaire académique. Elle la fait revivre de haut et la restaure comme une fresque que le lecteur regarde depuis son bas-relief. Michelet, Tocqueville, Gibbon en sont des exemples. La mémorialiste est journalistique. Elle raconte au jour le jour les faits et les paroles de ceux qui créent l'évènement par ouï-dire ou comme témoin. Saint-Simon en est l'exemple et nous dit ce qu'il entend, voit et comprend de ce qui se passe à la cour de Louis XIV. D'autres en font la toile de fond de leurs livres ou inspire leurs tableaux. Dumas hier, Reverte aujourd'hui en sont les archétypes. Une autre façon est à l'œuvre dans MANIAC, un livre de Benjamin Labatut paru chez Grasset. Il nous fait vivre la révolution des mathématiques et de la mécanique quantique qui inaugure une nouvelle ère pour l'humanité en donnant la parole à ceux et celles qui en ont été les témoins ou les auteurs-acteurs. Le récit de ce prodige nous fait assister en direct à l'ouverture de la boîte de Pandore d'où est sorti le génie qui conduira la terre et son monde en enfer. Le héros principal est John von Neumann, l'homme le plus intelligent jamais né. Janus adoré et abhorré, il était admiré de tous ceux qui le connaissait. Au travers des témoignages  on suit sa destinée et ce que les mathématiques, la physique, les bombes nucléaires, l'informatique, l'IA et donc ce que notre monde et son destin lui doivent pour le meilleur et le pire. Je n'imagine pas un instant que vous puissiez vous pardonner de ne pas l'avoir lu car il fait le tour du monde depuis sa publication  en 2023 par Penguin Press.

PS: ne serait-ce que pour les chapitres (page 145 et suiv.)  et (page 210 et suiv.) où il fait parler Richard Feynman qui nous fait les témoins épouvantés de l'explosion de la première bombe A, à 300 kilomètres de Los Alamos et plus tard, à la veille de la Toussaint, en 1952, à celle de la H, 500 fois plus puissante. Il faut lire ce livre qui devient inoubliable.