Je dois tout aux livres sacrés de ma jeunesse et me demande ce que, sans eux, je serais. Je n'ai oublié aucun de leurs noms et vénère leurs auteurs comme aucun de ceux qui se prenaient pour des maîtres. Ils m'ont appris ce que je sais et ce que je crois. Je dois à Croc-Blanc, au livre de la jungle, à Bari, mon amour de la nature, des animaux, merci London, merci Kipling, merci James Oliver Curwood. Qui peut mieux que Dumas père faire découvrir l'amitié, la ruse, le courage, la trahison, les délices de la vengeance avec Les trois Mousquetaires, Monte-Cristo? J'ai appris à me débrouiller, à bricoler, la solitude, à ne dépendre de personne avec Robinson Crusoé, merci Defoe. La sagesse, l'amour du travail, l'exemple, le courage, l'hypocrisie, toutes les vertus, tous les vices sont décris, illustrés, moqués, jugés, condamnés dans les fables de La Fontaine. On les apprenait par cœur et on n'en oublie jamais la leçon. Les Mille et une nuits, tout Jules Verne, Stevenson, Twain, Charles Dickens sont dans ce panthéon où je me sens chez moi.
Comment font, sont les générations qui ne profitent pas de ces trésors qui croupissent, accablés par la poussière, sur les rayons des bibliothèques. Ils n'en connaissent pas l'existence, pas plus que leurs père et mère. Ils vivront sans s'être régalées, dans leur jeunesse, des aventures d'un capitaine de 15 ans, sans avoir fait le tour du monde en 8o jours, en ballon, abordé l'île au trésor de Flint, le pirate en compagnie de Long John Silver, l'homme à la jambe de bois. Leurs imagination, leurs souvenirs, auront été abreuvés, gavés par le visionnage hypnotique de jeux vidéo criards, bavards, remplis de monstres ou de héros se frappant, s'éclatant, hurlant, massacrant dans la répétition, le bruit, la fureur, la laideur. Ils y auront appris la loi du plus fort, le triomphe du laid, du mal, que la guerre est un sport et tuer un jeu. Plus vieux, n'ayant rien à faire, ils copieront ceux qui leur ont montré l'exemple.
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