Il faut le voir pour apprécier la délicatesse, la précision, la force, la justesse du geste. J'aimerais l'admirer dans sa plénitude, mais assis devant la table, je manque de recul et ne peux saisir la complexité du travail des mains en train d'éplucher les asperges avec l'instrument spécial très affuté. Il faut pour le maîtriser et ne pas se couper des heures de travail sous la houlette d'un chef cuisinier familier de l'asparagus. À chaque attaque d'un turion, ce n'est pas Dancharr qui œuvre mais Karajan qui va lancer la chevauchée des Walkyries à la Philarmonique, Mado Robin qui entame l'air de la poupée des Contes d'Hoffmann et montera jusqu'à un contre-ré, Usain Bolt qui, dans un effort titanesque, arrache ses 90 kilos et ses 196 centimètres de la ligne de départ de son record du monde. Sachez, monsieur, madame que, contrairement à l'épluchure de la patate, la taille de l'asperge est un art de soliste qui exige une dextérité conjuguée à l'habileté, une compréhension du fil du légume et de son sens. Le plat d'asperges ne sera haut que si un Dancharr les a déshabillées.
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