Elle était
posée en ces termes : « Plus
les jours, plus les années, plus les siècles passent, plus je me demande quelle
trace vais-je laisser à la postérité, à l’histoire, à la terre ? et, avant
ce jugement au long cours, comment ménager l’avenir immédiat de mon
post-mortem. Faut-il finir en poussière ou en cendres ? Être bouffé par
les asticots ou partir en fumée ? Faire du compost ou servir de
combustible ? La crémation ou le pourrissement ? That is the question.
Vous seriez très aimable d’aider ma décision. Merci et félicitations pour…
etc., etc.…. ».
R.- « Une belle vie doit se
terminer par une belle fin et de la même façon que vous ne laissez pas à
d’autres les rênes de votre vie, la mort n’est pas un prétexte suffisant pour
abandonner vos bonnes habitudes. Je présume que vous réfléchissez avant d’agir,
je vous engage à continuer car votre inertie à venir ne vous exonère d’aucune
responsabilité. Donc, avant de décider du comment, je vous engage à envisager
le pourquoi. Vous aviez des engagements, des certitudes, des croyances, une
conduite, une règle, une politique, une foi qui vous obligeaient. Appliquez les
mêmes règles au choix de votre destination finale et vous n’aurez plus
d’incertitude.
Terminer dans le feu, la chaleur,
l’embrasement, c’est-à-dire, préférer la crémation ne peut convenir qu’à une
personnalité extravertie, décomplexée, ne s’embarrassant pas de palinodies, de
périphrases, de faux-fuyants, d’atermoiements. Si vous êtes cet homme ou cette
femme d’action, fuyant les compromis, les compromissions, les commissions, les
comités, les réunions de famille, les défilés, les enterrements, voyageant
léger, préférant l’express à la marche à pied, le sirocco à la risée, le
tord-boyaux à la menthe à l’eau, partez en fumée, en faisant des étincelles et,
si possible, façon Bénarès pour le spectacle
Par contre, si vous êtes du genre
réservé, embarrassé de vous-même, préférant la porte de service au hall d’entrée,
si vous cultivez l’incognito, le quant à soi ; si vous êtes discret, introverti,
taciturne ; si vous n’avez rien à dire, ne savez que penser, n’aimez pas
critiquer, applaudir, répondre, provoquer, vous souffrez de constipation des
sentiments. Vous laissez les choix à la disposition du moment, en espérant
qu’il sera propice. C’est une façon de vivre qui va conduire celle que vous
aurez de mourir. Espérons que le hasard fera bien la chose et que vos derniers
instants ne seront ni longs ni pénibles. Vous avez déjà pris le parti de laisser
le temps faire son travail. Vous serez donc enterré dans les règles. Vous
pourrirez à la satisfaction de toutes les bestioles qui vous attendaient avec
impatience pour se régénérer, engraisser et se multiplier. Soyez content, votre
heure de gloire sera enfin arrivée et, pendant quelques jours, vous serez
l’objet de toutes leurs convoitises. Finir dans une apothéose – que personne ne
verra – quelle meilleure façon d’être fidèle à ce que vous aurez été.
Si vous restez logique jusqu’au bout,
le choix est clair et vous avez la réponse à votre dilemme. Cependant,
réfléchissez. Un pied-de-nez à la société, un renversement de tendance, quelle
jolie façon de lui montrer que vous n’étiez pas ce que l’on avait cru, que vous
aviez trompé votre monde, que vous vous étiez moqué de lui, lui qui ne vous
méritait pas, qui ne vous a jamais apprécié à votre valeur. Surprenez-les en ridiculisant les pronostics: timide, partez en fumée ,toujours pressé, condamnez-les à venir perdre leur temps
devant votre mausolée, le 1er novembre».
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