En dehors de l'idéaliste obsédé par son idée et de
l'idéologue intoxiqué par la sienne, l'insomniaque peut avoir d'autres raisons
de refuser de dormir.
Il (elle) peut avoir peur de ne pas se réveiller et, se
trouvant trop jeune pour jouir de son dernier sommeil, reculer cette échéance à
des nuits moins jouissives.
Il (elle) se réveille sitôt endormi(e) de sorte qu'il (elle)
n'arrive pas à discerner la veille du sommeil. Les séquences se renouvellent
sans arrêt et la confusion s'installe, la conscience étant plus expressive que
l'inconscience, c'est elle qui domine et affirme n'avoir aucun souvenir de la
phase hypnotique.
La personnalité paranoïaque, méfiante, soupçonneuse
n'accepte pas de perdre le contrôle de son corps. Il se sait si vulnérable dans
son sommeil, gisant sur son lit, sans défense, incapable de voir le coup fatal,
de s'en défendre qu'il ne peut accepter de s'endormir.
Ces causes d'insomnie ne sont jamais évoquées car
politiquement incorrectes. Je passerai
outre à cette censure imbécile et vous rendrai le service que vous attendez.
Je me garderai, par charité républicaine, d'enlever à
l'idéaliste son obsession. Il faut qu'il continue de l'exploiter. Une nuit
blanche est peu par rapport à une bonne et grande idée où il trouve son
bonheur.
L'idéologue a le même problème. Mais l'individu est dangereux,
sectaire, du genre à vous envoyer au goulag si vous ne partagez pas sa pauvre, triste et fausse
idée. Je le laisse à son insomnie qui lui pourrit la nuit autant que son jour.
C'est la juste punition que Morphée lui inflige en représailles du mal qu'il
voudrait faire pour satisfaire sa mauvaise idée.
Le froussard qui a peur de ne pas se réveiller est digne de
notre intérêt. Sa peur n'est pas vulgaire. Elle est même compréhensible,
héritage probable d'une enfance battue, malheureuse, d'une nourrice
incestueuse, de parents divorcés, d'une carence en chocolat ou d'une fessée mal
digérée. Pour calmer son appréhension, je lui dirai simplement que le sommeil
n'est jamais l'antichambre de la mort pour un adulte en bonne santé. C'est même
le moment où il reconstitue ses forces, répare les dégâts du jour et qu'il
n'est jamais aussi fort que durant son sommeil. La Faucheuse n'a aucune chance et
elle le sait bien.
Celui qui se réveille aussi vite qu'il s'endort et ne cesse
ses allers-retours est un cas plus délicat. Atteint de ce que l'on appelle, dans
notre jargon, du symptôme precox, il souffre d'une tendance à la précipitation,
dans un souci de bien faire, de ne pas perdre son temps et, dans le notre
cas, de ne pas risquer d'être en retard pour son train de 6 heures 23, le
personnage étant souvent un tégéviste qui travaille à Paris et habite à 234 kilomètres
de son bureau, à la Défense. Il doit retarder le moment de s'endormir, en
pensant à autre chose: déclaration d'impôts, un souvenir d'enfance, une première
fois etc. etc. En gagnant quelques minutes chaque fois, le cumul du retard
s'additionne si bien qu'en un mois, le problème est généralement résolu. Si ce
n'est pas le cas, prenez un rendez-vous pour une prise en charge personnalisée.
Le traitement du parano qui a peur d'une agression dans son
lit quand il dort est élémentaire et je me demande pourquoi il n'y a pas pensé.
Il doit sécuriser son appartement par
une porte blindée, condamner ses fenêtres par de volets anti-intrusifs et
déménager pour habiter un quartier tranquille, si possible à proximité d'une gendarmerie.
Si son habitat est une maison, il lui suffit, comme moi, d'héberger à demeure, une
brigade canine de bergers allemands féroces et entraînés à l'attaque sans sommation
pour pouvoir dormir du sommeil de la Belle au bois dormant, toutes portes
ouvertes.
Voila, chers et chères insomniaques abonnés(es) aux nuits
blanches comment vous allez retrouver les rêves et les cauchemars qui vous
manquaient si cruellement et retrouverez un repos nocturne bien mérité.
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