Si vous partez en voyage, je vous ferai une liste non
exhaustive mais suffisante des devoirs que vous aurez à faire avant de partir,
des risques que vous allez prendre, des surprises qui vous attendent et surtout
des obligations liées à votre retour éventuel.
Pour que vous soyez parfaitement averti et que vous ne me
reprochiez pas - si vous êtes encore disponible - à votre retour d'avoir manqué
une stipulation, attaquons par la préparation.
Destination, je vous déconseille:
- en accord avec le Quai d'Orsay les pays en guerre, en
révolution, en révolte, les pays en proie à une catastrophe naturelle ou ayant
de fortes chances d'en subir une dans le mois qui suit votre arrivée sont à éviter.
- de vous promener dans une région où le taux de mortalité
par armes meurtrières, les maladies mortelles (rage, tétanos, palu, septicémie,
infarctus divers, noyades, hécatombes routières, violences civiles et
policières, maladies nosocomiales) dépasse la moyenne mondiale. Le chiffre des
touristes ayant survécu aux autres dangers (insolation, électrocution,
indigestion, fausses routes, chutes d'escalier, rencontres imprévues avec
requin, éléphant, serpent à sonnette, serial killer) est intéressant à
connaître comme aussi les capacités de rapatriement du corps de "Mondial
Décès".
Votre choix fait, vous remplirez votre valise
avec les vêtements nécessaires et vous
n'oublierez pas les médicaments qui pourront vous sauver la vie en cas de
besoin: anti-diarrhéiques, antitussifs, antihistaminiques, antibiotiques de
dernière génération. Sur place, vous devriez trouver de l'Évian en bouteille (vérifier
la qualité des scellés, la date de péremption et le mode de confinement - l'eau
bouillie au soleil perd de sa qualité minérale).
Le transport se fera sans doute par avion. Prenez le temps
nécessaire pour rejoindre l'aéroport: 8 jours devraient suffire pour affronter
les grèves de la SNCF, du métro et les embouteillages. Évitez Roissy et Orly car les arrêts de
travail des douaniers, du personnel au sol en plus de celui des contrôleurs du
ciel pourrait vous faire manquer une correspondance. Partez de Londres,
d'Amsterdam, ou de Zurich et prenez une
compagnie low-cost dont le personnel payé en CDD n'aime pas se mettre en grève
pour éviter le licenciement.
Si vous êtes arrivé à monter dans l'avion, à trouver une
place assise, si vous survivez au voyage, n'avez pas été victime d'un détournement,
d'une explosion en vol, d'un trou d'air, d'une collision avec un escadrille d'oies du Canada ou d'un missile sol-air, si vous avez évité la phlébite et
l'embolie pulmonaire dues à l'immobilisation pendant 10 heures, si vos
lombaires coincées dans une position pathogène vous permettent encore de
marcher, vous allez pouvoir débarquer sain et sauf dans le pays de vos rêves.
L'épreuve la plus rude est à venir: la confrontation avec la
réalité. Je ne parle pas du passage en douane. Vous avez intérêt, pour beaucoup
de raisons à éviter les USA à cause de cet endroit: déshabillage, passage à tabac, interrogatoire façon
Guantanamo. Vous n'êtes pas masochiste, n'est-il pas?
Aventurier dans l'âme, vous n'êtes pas parti en voyage
organisé où tout est digéré avant d'être servi. Vous partez à l'aventure dans un
pays inconnu. N'ayant pas encore lu le journal de votre road-trip, je ne sais
rien de vos découvertes, de vos rencontres, de vos mésaventures. Si vous avez échappé
aux accidents, aux embuscades, aux demandes de rançon, aux hétaïres, aux
trafiquants de femmes si vous êtes belle, jeune, brune ou blonde, aux
trafiquants d'organes si vous êtes dans le tout venant et la cinquantaine, vous
vous présenterez à l'embarquement pour faire en sens inverse ce que vous avez déjà
souffert à l'aller.
Aguerri, vacciné, endurci par ce séjour de tous les dangers
en terre inhospitalières, vous
retrouverez sans encombre votre terre d'origine, votre maison, votre lieu-dit,
votre appartement. Le moment est délicat, car il faut retrouver les clefs, le
mot de passe, désarmer les défenses. Ne soyons pas pessimiste, vous n'aurez à
alerter personne: le voisin, les pompiers, police-secours, le serrurier de
service pour enfin rentrer chez vous et goûter un repos mérité Il est rare que vous tombiez sur un dégât des
eaux ou sur une fenêtre ouverte ayant permis à un couple de pigeons sédentaires
de faire leur nid sur votre lit et de pondre quelques pigeonneaux. Plus
fréquent est le risque de vous trouver empêché de rentrer at home par le fait
de squatters qui, profitant de la vacance, ont installé, dans votre salle à manger, une plaque tournante du
trafic de drogue entre le boulevard Barbès et le Nicaragua, suite à une joint-venture
avec la Ndrangheta de la place d'Italie. Je me devais de vous avertir de la possibilité
de cette surprise, la police ne pouvant pas grand-chose dans ce cas de figure
car le flagrant délit n'a pas encore été établi et une démarche intempestive
risquerait de troubler l'ordre public.
Admettons que vous avez échappé à ce scénario-catastrophe et
que tout se soit passé dans la dignité, il ne vous reste plus qu'à attendre que
la durée d'incubation des fièvres mortelles que vous avez pu attraper soit
dépassée pour reprendre le cours de vos activités.
Que ne ferait-on pas quand, dans les veines, coule le sang
de Marco-Polo? Comment résister à l'appel du lointain? Connaissant la pauvreté
de mes arguments pour vous inciter à rester au coin de votre feu, je ne dirai
rien sur leurs inconvénients et le risque de l'assoupissement, le délabrement
moral provoqué par la sieste, les dangers d'une promenade dans l'allée cavalière d'une forêt domaniale, etc., etc...
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