Il n’est pas facile,
tant la concurrence est grande, le catalogue épais, les destinations et les
promotions alléchantes.
La vie est courte et
arrive vite le moment, surtout si c’est le dernier, où il faut choisir. On
parle alors de choix crucial. S’il en restait deux, je vous suggère de faire le
bon, sauf si, aimant le malheur, vous préférez l’autre. C’est votre choix, je le
respecte.
La vie est un
entre-deux entrecoupé de choix. C’est une obligation quasi-permanente et qui
fatigue les indécis.
Je ne vous parlerai
pas des choix ménagers : barbe ou moustache, lentilles ou lunettes, café
ou chocolat, gelée ou marmelade, bus ou métro.
Occupons-nous des
grands. Le choix du conjoint était, à l’avant-dernier siècle, une affaire
d’importance. La mobilisation était générale. Marieuses, notaires, vielles
tantes, oncle d’Amérique, même les cousins issus de germain étaient soumis au
branle-bas pour marier la cadette pas très bien gaulée et assez peu dotée.
Aujourd’hui, le choix n’engage personne, le produit est interchangeable. Le
stock s’enrichit à l’est. Il en vient d’Orient, toutes des concubines sublimes.
Même en Occident, les célibataires débordent de partout. Trouver son ou sa
moitié est l’affaire d’un clic sur Intermariageminute.com/.
Le choix à ne pas
louper, est celui de la carrière. Il faut viser le créneau porteur, dans un
secteur d’avenir, avec un potentiel de développement exponentiel et riche de
produits dérivés.
Le choix occupe des
spécialistes à part entière. Le métier est lucratif, très couru. Je ne le
conseille pas car ils font trop de mauvais choix. C’est seulement la loi du
silence qu’impose ce milieu particulier qui explique leur survie à succès.
Le choix s’impose
parfois de lui-même et personne n’y peut rien. Cette absence de choix s’appelle
une vocation. Elle est d’autant plus impérieuse qu’elle vient de loin et du
très Haut. Elle est alors chevillée au corps et rien ne l’arrêtera. C’est
presque un ordre. Le choix est heureusement vaste :
- l’ordre des dominicains reste très tendance ;
- l’ordre
des franciscains, plus spartiate, exige des qualités physiques parfois peu
compatibles avec une belle élévation de pensée ;
- l’ordre
des pères blancs, un temps décrié par des placements hasardeux, requiert une
charité humanitaire, digne de foi, une grande barbe blanche, un goût de
l’exotisme et du métissage culturel qui a pu faire jaser des malveillants
soupçonneux.
Emporté par l’esprit
de clocher et mon dégoût du désordre, j’allais oublier les autres choix qui
sont plus dans vos cordes.
Le choix des armes
ne se pose plus depuis l’interdiction des duels et leur remplacement par les
joutes oratoires. Pour mémoire et pour être exhaustif, j’effleurerai seulement
le sujet. En ces temps chicaneurs, je risquerais d’être accusé d’incitation à
l’arme blanche, d’aide au suicide assisté, de nostalgique d’un passé révolu. Ne
comptez pas sur moi pour vous donner les règles d’un duel académique. Pour ceux
qui veulent, malgré moi, en savoir plus ou en découdre, je leur conseille
l’excellent livre: «La mort en face : histoire du duel en France, de
la Révolution à nos jours » de François Guillet, chez Aubier éditeur.
La vocation, l’épée,
le pistolet à 20 pieds n’étant pas pour vous, je ne désespère par de vous mener
au bon port. C’est dans ma nature. Ne partez pas, suivez le guide dans le monde
enchanté des bons et mauvais choix.
Le choix de la voie
militaire est à éliminer d’emblée, sauf si vous êtes major à Polytechnique,
parlez russe, chinois, japonais couramment, franc-maçon, bi-carte ou centriste,
courez le 100 mètres en moins de 10 secondes, avez traversé l’Atlantique à la
nage et sortez un livre de philosophie analytique en alternance tous les 6 mois
avec un ouvrage de géopolitique, en anglais, suite du cours que vous donnez à
Harvard pendant les grandes vacances. Avec ce bagage vous devriez, à 30 ans,
être à l’Académie Française, présider le Conseil de guerre et maître d’équipage
au relais solognot de Chambord. Hors ce cas, la carrière militaire est obstruée
par quelques obstacles insurmontables. Je ne vous parlerai que de ceux que
m’autorise le secret défense. L’armée française étant devenue virtuelle depuis
son passage au numérique et la fonte des effectifs au rythme de celle de la mer
de glace, il ne reste plus de place à prendre. C’est déjà une raison suffisante
mais l’autre est encore plus radicale. Nos bombardiers - vous les trouverez au
Bourget, dans les allées du musée de l’air - ont été remplacés par des missiles
de croisière et des fusées à têtes multiples et chercheuses (n’ayant jamais été
utilisés on ne sait pas encore si leur recherche aboutira à la bonne cible).
Ils étaient comme les chasseurs (de bombardier) trop chers, trop lourds, trop
gourmands, trop bruyants, trop visibles (même si on avait pu en avoir de
furtifs). Ils ont été remplacés par des drones, petits, malins, hyperactifs,
réactifs, n’ayant peur de rien. Exit l’armée de l’air.
Le fantassin est
tout aussi désuet et va disparaître. Les contrats devenus précaires ne seront
pas renouvelés. Quelques extras pour têtes brûlées en mal de missions suicides
en pays Patchou, à la frontière des Osséties ou vers les grands lacs seront
budgétisés, en aller simple. Pour y avoir droit il faudra être orphelin,
apatride, célibataire endurci, dépressif et n’avoir pas l’esprit de
retour.
Rassurez-vous, il y
aura encore des guerres, fraîches et joyeuses à leur début, comme toujours.
Mais les combattants seront des robots sortis des usines automobiles
reconverties. Des robots naîtront des robots : un jour domestiques,
l’autre exterminateurs. On connaît leurs avantages : sous la mitraillette,
les bombes éclairantes, dans la fumée, le bruit, ils avancent, impassibles,
sans état d’âme. Comme Bayard, dont on a la nostalgie, ils seront sans peur ni
reproche. Plus humains que les humains, ils respecteront la Convention de
Genève, ne tireront pas dans le tas des civils pour passer leurs nerfs, vider
un chargeur et voir enfin le sang couler, comme au pays, au bon vieux temps des
films gore. Le robot soldat n’attend qu’une pile pour se mettre en marche. Exit
la vie de caserne.
Vous n’avez pas le
pied marin, la Royale n’est pas pour vous.
Je comprends votre
déception mais choisissez plutôt un emploi d’avenir avec des vieux jours plus
assurés. Je vous suggère, mais sous condition :
1/ La boulange. Quel
beau métier d’avoir les mains dans la farine. Attention à l’asthme cependant
car, même dur au mal, il n’est pas facile de pétrir en étouffant. Interdit
aussi aux lève-tard car le croissant chaud se mange au petit-déjeuner. Enfin,
il faut aimer le pain rassis car s’il vous en reste sur la planche, vous
n’allez pas le jeter. Un peu de respect, s’il vous plaît, pour le travailleur
de la terre qui a semé le blé.
2/ Je recommande la
boucherie à qui veut avoir un bon débouché à des instincts restés primaires. Il
faut aimer la chair fraîche, savoir trancher dans le vif, n’avoir pas peur du
sang qui coule. Un appétit d’ogre est bienvenu pour évacuer les bas morceaux
difficiles à vendre et ne pas craindre le pot-au-feu à la viande faisandée
quand le frigo tombe en panne. Le métier plaira à un serial killer repenti ou
contrarié.
La vocation qui s’impose
ne doit pas endormir l’attention mais se soumettre à la critique. En s’y pliant
sans hésiter, certains succombent. Ils y perdent la liberté, s’en font les
prisonniers, eux, qui n’avaient déjà pas eu le choix de vivre et qui n’auront
pas celui de ne pas mourir.
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