Pour saluer et honorer le proche anniversaire (101 ans) de notre grand poète international, je réédite son portrait pour ceux qui l'auraient oublié.
Hormis sa tronche toute cabossée de pilleur de dépotoir, sa
démarche de gorille en cavale, son allure de déserteur de l'armée du Salut en
instance de détox après un passage à tabac, il avait tout d'un gentleman et ne
déparait pas, assis, en train de siroter sa verveine frappée, la devanture du
Flore, à Saint Germain. Mathias de la Brillaudière est, de toutes les façons,
trop remarquable pour s'inquiéter d'être remarqué.
Arrière petit fils d'un descendant de Bertrand du Guesclin,
cousin au troisième degré de l'héritière du concierge du pavillon de
chasse de Chateaubriand, son patrimoine génétique et pécuniaire l'a mis à l'abri de tous les soucis du tiers État et il put se
consacrer corps et âme à sa fibre poétique.
Il devint à la seule force d'une inspiration qui ne
connaissait pas l'apnée, le poète qu'aurait fréquenté Villon, aimé Verlaine,
admiré Boileau et devant qui, même les ennemies héréditaires de la patrie,
s'inclinaient. Les Nobel reconnaissant, lui décernèrent à trois reprises
leur prix. La littérature lui doit beaucoup, pour ne pas dire tout, avec la
traduction en alexandrins de l'Anneau des Nibelungen, l'adaptation en esquimau
classique des fables de la Fontaine et la découverte d'un Victor Hugo
serbo-croate inconnu du grand, du moyen et du petit public.
Les trois volumes que la Pléiade vient de rééditer à
l'occasion de ses 100 ans vont être pour les quelques dont vous faites
partie, je le subodore, devant la confusion que votre hypocrisie n'arrive pas à
cacher, l'occasion de découvrir la variété de son inspiration, la richesse de
sa prosopopée et son élégance à transcrire tout ce qui ne peut être dit.
Pour vous mettre de l'eau dans la bouche et vous combler, je prends la liberté d’allécher votre curiosité avec deux vers
emblématiques de son style, de son orthographe, de sa grammaire et de son
vocabulaire:
"La vague était
furieuse d'être prise en glace
Mais le mal était fait
et tenait à sa place."
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