Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


mercredi 6 novembre 2019

LE JUGE ET L'ASSASSIN CYNIQUE, MONOLOGUE

Monsieur le procureur, je n'en disconviens pas, je suis bien l'abominable homme des bas-fonds de la société que vous venez de décrire avec un brio que le public nombreux et que je remercie de sa présence  et moi-même avons admiré sans réserve, merci pour tous.

Mes turpitudes, mes méfaits, mes crimes sont impardonnables, leur répétition insupportable, leur raffinement dépasse mon entendement et même le vôtre pourtant plus développé.

Vous ne comprenez pas, je le conçois aisément. Moi-même, je me suis demandé souvent, au moment d'exercer mon art criminel avec le succès que tout le monde connaît - et sur lequel vous avez édifié avec le talent que l'on vient d'apprécier un  chef d'oeuvre d'éloquence - POURQUOI ce goût, cette habileté, cette attirance pour faire le mal et répandre l'horreur de la terreur.

Vous avez ouvert mes yeux et donné une réponse à mes interrogations qui, à une ou deux reprises étaient venues m'interpeller au moment du geste fatal, il y a dix ou vingt ans, du temps de ma jeunesse impétueuse, quand   se posent les  questions  fondamentales.

Excusez cet aparté transcendantal, je reviens au problème qui  nous intéresse, celui de ma culpabilité éventuelle pour les crimes odieux que j'avoue avoir pris la liberté de commettre et dont vous avez dressé la liste interminable en ne retenant que les quelques connus de la police nationale et de la gendarmerie hexagonale. Mon vagabondage meurtrier, calqué sur mon itinérance touristique aurait pu l'enrichir  à la dimension du monde entier, seul capable d'assouvir mon ambition planétaire.

Pour en revenir à la responsabilité que vous estimez, avec les experts psychiatriques consultés pleine et entière, je me permettrai, avec votre permission, de soulever une première objection.

Dès mon arrivée dans la salle, vous m'avez demandé, pour éviter sans doute de me confondre avec un innocent, mon nom et prénom ainsi que ma date de naissance avant d'embrayer sur l'acte d'accusation. Là je m'élève et je dis NON. Malgré vos précautions, vous vous êtes trompé d'accusé, le vrai coupable, l'auteur des crimes, ce n'est pas moi mais ma maudite main droite. Je vous l'abandonne volontiers. Elle a fait trop de mal et a causé ma perte. Elle est vilaine, méchante et n'en fait qu'à ses doigts. Elle dominait la gauche, trop faible pour retenir le coutelas, son arme favorite et l'empêcher de frapper. Coupez-la, la charia est pour elle une juste  punition  méritée.

Vous allez m'objecter car vous êtes objectif, que la commande de la main est dans le cerveau, dans le lobe frontal gauche, donc dans une position centrale, cérébrale et que c'est la tête qu'il faudrait couper si le docteur Joseph Ignace Guillotin exerçait encore.

Certes, je reçois l'objection, votre Honneur et je vais y répondre, mon temps de parole n'étant pas épuisé. Vous avez  raison, la mienne était spécieuse, je l'avoue, mais elle me démangeait et l'occasion était  bonne.

Passons à ma deuxième option, vous l'aurez voulu. Elle ne va  pas vous  plaire  et je m'en excuse par avance auprès de votre femme, vos enfants, vos amis, mais vous m'y obligez.

Remontons  à la source de ma responsabilité des actes et donc à mon existence même. C'est parce que j'existe que je suis devenu un criminel endurci, récidiviste et tout et tout (reportez-vous à votre laïus). Si je n'avais pas été, je n'eusse pu l'être. Vous êtes d'accord, OK, je continue ma démonstration irréfutable. En conséquence, ma criminalité incontestable est la conséquence de ma présence sur terre, c'est elle l'infâme responsable et j'en suis la première victime impuissante. Le plaisir inavouable que je prenais  à faire le mal, à répandre le sang en trucidant  à tour de main droite était  purement subjectif, inventé par ce besoin lié à mon existence, on en revient toujours à elle. Elle m'a été  imposé, je n'avais rien demandé.

Mais alors vous allez m’asséner: vous accusez vos parents de vous avoir enfanté. Non, messieurs et mesdames les jurés - je m'adresse dorénavant à votre âme et conscience, je sais que vous les avez chevillées au corps -, NON, la chaîne de la responsabilité ne s'arrête pas à ces malheureux. Ils ne savaient pas ce qu'ils faisaient dans la folie de leur nuit de noces, à la va-vite, dans un hôtel  miteux de la Seine-Saint Denis. Ils se sont vite aperçus qu'ils avaient commis une erreur, ont cherché à la corriger, mais la bonne madame Veil n'était pas encore ministre et la société ne permettait pas encore que l'on tue le fœtus non désiré dans le sein de sa mère. Le  produit est devant vous et vous jugez le résultat. La société a eu ce qu'elle voulait, c'est elle la vraie responsable, la vraie coupable et aujourd'hui, monsieur le juge, vous la représentez, vous jugez en son nom, vous êtes la société. Moi, je vous accuse de tous les crimes dont vous m'accusez, vous êtes le vrai coupable. Gardiens, saisissez-vous de cet individu, c'est lui que l'on va juger. Attention, cet homme est dangereux, c'est un multirécidiviste, sans pitié, capable de toutes les infamies. Tirez à vue, pas de quartier, faites évacuer la salle. 
AUX ARMES  CITOYENS

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