N’en déplaise à ceux qui pensent le contraire, l’inné est
plus important que l’acquis. L’adaptation versus la formation le prouve. Il
faut s’adapter ou mourir ou se former pour vivre tant bien que mal. Le poil le
démontre : au pôle nord, sans poils, on meurt de froid, pas de lézard. Au
Sahara, poilu on meurt de chaud, pas d’ours blancs. Devant une avalanche, un
skieur de descente a davantage de chances qu’un coureur en raquettes. Dans la
jungle des villes, pour survivre, mieux que d’avoir un bon métier, il faut
savoir marcher dans les clous, s’arrêter aux feux rouges, s’éloigner des
pousseurs de métro, éviter les pickpockets, regarder où l’on met les pieds.
Dans l’enfer de la campagne, pour ne pas se faire étriper, déchirer, broyer, il
faut passer outre la batteuse de la moissonneuse, se faufiler entre les
barbelés, ne pas s’électrocuter à la clôture, enjamber le piège à loups, ne pas
se laisser prendre au collet, échapper au chasseur…
Ce n’est qu’une fois adaptés au terrain que l’on attrapera
le tour de main qui permettra de s’occuper et de ne pas mourir de faim.
Depuis Darwin – et n’en déplaise aux biblicistes – s’adapter
est une obligation dont même les extraterrestres et les surnaturels doivent
s’acquitter. Rien ni personne n’y échappe, les pays comme les garennes.
Les meilleurs sont ceux qui s’adaptent et se forment en même
temps, au même rythme. À l’inverse, les nuls accumulent les handicaps en
refusant de s’adapter et de bien se former. La France est le chef de file en
Europe de cette catégorie. Elle ne comprend pas qu’elle doit évoluer pour
entrer dans le nouvel équilibre des forces, intégrer les lois du marché,
participer à la nouvelle répartition du travail, profiter des nouvelles
technologies, s’ouvrir de nouveaux débouchés, s’inscrire dans l’air du temps,
contribuer à la révolution des idées, des mœurs, des comportements.
Traitre à son histoire, à sa légende, elle refuse le futur
de la même façon qu’elle a honte d’un passé qu’elle veut oublier. Inapte à
s’adapter, elle est maintenant incapable de préparer ses enfants à affronter
l’avenir. Elle massacre leur éducation en méprisant tout ce qui en faisait la
valeur, sa grandeur.
Formés par des individus cramponnés à leurs idées reçues, à
leur modèle social, à leurs avantages acquis, à leur lutte des classes, à leur
façon de penser, de travailler, à leurs vieilles lunes, ils sont largués,
dépassés, ridiculisés par les pays où les hommes, les femmes, jeunes ou vieux
sont actifs, réactifs, s’éclatent dans le travail, cultivent les bonnes idées,
occupent les bons créneaux, mènent le combat à l’avant-garde, en avance et se
moquent de ceux qu’ils voient à la télé, défilant pour protester, refuser, freiner,
retarder une échéance inéluctable qu’ils ont préparée par lâcheté, incurie,
paresse, aveugles à la réalité et qu’ils préfèrent ne pas affronter, croyant ne
pas succomber.
Cette chronique d’une mort annoncée est un remake
désespérant dont on se serait bien passés. Vous nous prévoyez des larmes, des
cris, du sang pour cette année et les suivantes.
Docteur, le malade est incurable, mais, va-t-il
souffrir ? Non, rassurez-vous, il est totalement inconscient de son état.
Il mange, roule, consomme, s’amuse comme si de rien n’était. Les
tranquillisants dont il est le premier consommateur mondial, ses télévisions d’État, ses journaux subventionnés, les journalistes au chaud dans
leur niche fiscale, entretiennent une léthargie qui fait tout oublier : la
gravité des symptômes, l’altération de l’état général. Le médecin-chef a cassé
le thermomètre. Tous les indices sont au rouge : le chômage, la dette,
l’insécurité, la balance des paiements, la confiance des ménages, le moral des
patrons, le taux des suicides, le surendettement, la pauvreté, les faillites
explosent. Rien n’y fait, impavide, impassible, immobile, le grand timonier
joue les oracles, garde le cap, promet la lune en nous montrant son doigt. Il
voit le bout du tunnel à la fin de l’année et, sous peu, la guérison
miraculeuse du patient français.
Voir
les mirages, croire aux miracles, refuser d’évoluer et de se réformer est, pour
une population, le moyen le plus simple de se préparer au carnage qui suivra la
naufrage. Ceux qui y croyaient mordicus seront les plus déçus. Ils n’auront que
ce qu’ils méritent, y ayant beaucoup œuvré. Les autres, les incroyants, les
sceptiques, les déviants, les prudents s’en sortiront mieux, s’étant tirés
ailleurs.
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