Mon bref métrage (1’7’’), mon court métrage (3’35’’)
n’avaient pas fini leur tournage que mon producteur, un pressé d’en finir pour
arriver à Cannes, me suppliait d’embrayer sur la longueur supérieure. Il vise
les Oscars. Il tombait bien. Je venais d’en finaliser un.
Même si je peine à ne pas me vanter, j’ai du mal à ne pas
sursauter d’orgueil – ma lombalgie chronique m’interdit tout mouvement brutal –
quand je relis le scénario. J’y ai mis beaucoup de moi-même. Cela se voit dans
la finesse de l’analyse psychologique, le courage d’aborder plusieurs thèmes
proscrits, la volonté de ne pas se laisser rebuter par les difficultés, une
capacité d’imaginer des situations impossibles comme de faire rire un
atrabilaire, prier un athée, abjurer un jésuite. C’est une synthèse de tout ce
que j’aime et l’antithèse de tout ce que je déteste.
Pitch
Dans une ambiance à la « Sin City », mon héros, un
mélange d’Inspecteur Harris, de Machete, du Bebel de « Peur sur la
ville », un zeste de l’Espion qui venait du froid et le mystère du 3ème
homme, démêlera un écheveau de conflits étiré sur 3 générations, 3 guerres, 3
religions, des allers-retours dans le passé, le présent et un futur à
court-terme.
Synopsis
Un immigré de la 3ème génération vit heureux dans
une banlieue pourrie. Il gagne bien sa vie avec les allocations familiales de
ses 19 enfants, sa rente d’accident de travail, son invalidité catégorie 3 avec
tierce personne, l’allocation logement et, grâce à un prête-nom, les Assedic.
Père polygame de 3 familles nombreuses, il régnait, avec la
sagesse du marabout qu’avait été un de ses aïeux du temps de Savorgnan de
Brazza sur son harem et sa progéniture. Cette vie de bonheur, de poésie et de
fornication s’arrête au premier plan du film, donc au premier jour de tournage
quand, la chance tournant, il apprend, dans la même séquence que le fruit de
son travail de jour et de nuit ne suffit plus à payer les factures. En
surendettement il allait devoir maigrir, répudier, prendre le bus, vendre son
cabriolet et sa spéciale familiale, fréquenter l’AAAC (Association des Acheteur
Anonymes Compulsifs) et que :
-
Son 3ème fils unique, converti,
venait d’entrer dans l’Ordre de Malte, que l’un de ses cadets était parti en
croisade au Mali et le surdoué de la famille ne se décidait pas à choisir entre
Polytechnique, Normale Sup et l’école pâtissière de Lenôtre ;
-
sa chimiothérapie ambulatoire pour son cancer
métastasé donnait des signes d’échappement ;
-
il allait entamer une crise identitaire car sa
carte d’identité volée n’était toujours pas retrouvée.
Le héros sans peur - mais avec quelques reproches pour
rester humain et ne pas ressembler à Batman – finit, après de multiples
péripéties haletantes où il prend tous les risques en donnant beaucoup de sa
personne par résoudre, alors qu’on croyait le challenge impossible, les
problèmes de tous, à la satisfaction et stupéfaction générale :
-
le père retrouve sa carte d’identité in extremis
alors que le charter qui allait le rapatrier en Casamance fermait la soute sur
ses bagages ;
-
La mère, qu’il venait de répudier, après 10 ans
de mariage forcé et 5 enfants en bas âge, pouvait enfin, à 25 ans, épouser
l’homme qu’elle aimait en secret depuis toujours ;
-
Le fils aîné, devenu Grand Maître de l’ordre de
Malte revenait dans sa banlieue pourrie, à la tête de ses chevaliers. Il en
chassait les voleurs, les violeurs, les trafiquants, les drogués ;
-
Le croisé du Mali intercepté à la frontière par
les forces du bien était remis dans le droit chemin et reprenait celui de la
patrie ;
-
Le père sauvé de l’exil, sa naissance loco
dolenti prouvée, achève une vie bien remplie entouré de sa gorouée, au pied de
l’HLM qu’il squatte depuis toujours. Le maire, ému, lui remet la médaille de
père de familles nombreuses. France 2, saisie par la lettre anonyme d’une amie
de l’assistance sociale qui a aidé tout au long de l’histoire notre héros lance
un téléthon national pour lui permettre de rembourser toutes ses ardoises.
L’Assistance Publique alertée de sa fin prochaine envoie son équipe des
derniers secours pour pratiquer en urgence une exsanguino-transfusion et un
remplacement standard de tous les organes cancéreux avec, en prime, pour la
convalescence, les œuvres complètes de son auteur préféré.
-
Un dernier travelling au son d’une marseillaise râpée montre le père
embrassant ses deux femmes, le fils aîné savourant sa victoire, le fils cadet
revenu de croisade, le surdoué montant sa première chantilly et notre héros
kissant l’assistance sociale qui venait juste d’apprendre qu’elle n’était pas
l’orpheline qu’elle croyait être mais l’enfant naturelle aimée et métisse de ce
père qui, depuis toujours, était à la recherche de son unique erreur de
jeunesse.
SCÉNARIO
Il restera au secret jusqu’à nouvel ordre.
POURQUOI
Je fais une exception car je veux garder la maîtrise de ce
film qui restera exceptionnel et ne le mettrai pas en ligne. Il risque d’être
piraté par un hacker (Lisbeth Salander chercherait à se renflouer). Les
dialogues sont si truculents (un mélange de Jeanson, d’Aurenche, d’Audiard, de Bouvard
et Pécuchet), l’intrigue, si bien menée, la fin si imprévue avec un
retournement de situation tellement étonnant que je crains d‘être détroussé,
spolié, volé. C’est une pratique courante dans le milieu. J’en ai trop souffert
pour me le permettre aujourd’hui. Je ne vous dirai pas tous les Césars, tous
les Oscars dont je devrais être crédité.
Même la musique sera cachée jusqu’à la première séance.
C’est du rap de première génération. Il comblera tous les silences. Il met les
points sur les i, balance à fond la glotte, lève le secret-défense sur tous les
interdits de penser, de cracher, de fumer, d’allumer. Ce sera, comme le reste,
une bombe.
J’ai sorti de sa maison de retraite Gisèle, ma première
secrétaire et du grenier et de son cocon ma Japy. Accrochés, elle à son
sonotone, moi à ma loupe à voir de près, nous avons court-circuité tous les voyeurs,
tous des voleurs. Sitôt tapé, le manuscrit est parti par ambulance dans un
coffre à l’USB de Francfort, en attendant mieux.
Je suis sûr de l’avance sur recettes, on a un drame
social, familial. La dénonciation des politiques y est vigoureuse. Le problème
des jeunes, du chômage, le poids de la religion, de la tradition, en fait de
toutes les drogues y sont traités comme il se doit. La prise en charge par la
Sécurité Sociale est montrée avec justesse, sans parti-pris.
Dans ce film choral, où rien ni personne n’est oublié,
l’équilibre est parfait avec une originalité dont, hélas, le cinéma français
n’est plus coutumier. Ah ! Renoir, Carné, Clouzot, Girault, votre héritage
est lourd, J’en serai digne.
J’ai approché, pour le réaliser, un futur espoir, un
stagiaire en prépa pour entrer à HEC (École des Hautes études
cinématographiques). Il est intéressé et prêt à décaler un tournage pour
Dreamworks. Il m’a cependant fait remarquer – c’est un anxieux – qu’à la
Commission ils vont peut-être tiquer – voire me retoquer. Il n’est pas
écolo-compatible. On ne parle pas de la fonte des icebergs, du drame des
esquimaux glacés, des OGM, de l’airport d’Ayrault, il a raison, le bougre. Il
connaît son monde. Il ira loin. Je lui au promis d’ajouter une séquence choc
sur un coléoptère troglodyte menacé par le tunnel Lyon-Turin sous les
Alpes.
L’avenir du cinéma étant dans les séries a dit un prophète,
mon film devrait plaire aux esclaves de la télé. Ils y trouveront l’actualité
du journal télévisé, la rapidité de 24 heures chrono, le romantisme de
« Plus belle la vie », l’efficacité de « Bones »,
l’humanité de « Dexter », la fraternité de « Friends »,
l’élégance de « Downton Abbey », le suspens de « Homeland ».
Il aura donc le succès de « Dallas ».
Pour mieux le situer, mon film aura une chute renversante, à
la « Usual Suspects », des effets spéciaux comme
« Inception », une humanité digne d’ « Une Nuit en
Enfer » mais le public y retrouvera, les « Gaîtés de l’Escadron »,
l’optimisme de « Lady for a Day », l’émotion de « Jeux
Interdits », l’ambiguïté de « Doctor Jerry & Mr Love ».
Après l’avoir vu vous vous sentirez fort comme Tarzan,
souple comme JVD, intelligent comme Attali, beau comme un dieu, héroïque comme
Ben-Hur. Pour vous c’est facile, c’est naturel, vous êtes tout ça mais, pour
certains j’ai galéré pour presque y arriver.
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