On a ceux qui vivent sans se poser de questions existentielles mais seulement les essentielles. Ils suivent le cursus normalisé, le courant principal, donnent les réponses standards avec ce qu'ils ont appris de la routine, de la coutume, de l'habitude, de l'expérience. Ils sont d'accord avec ce qu'ils entendent, voient, lisent, optent pour les idées du moment, le vu à la télévision, la mode, la publicité rédactionnelle. Ils font la foule qui pleure de joie quand leur idole du moment marque un but, celle qui applaudit debout Madonna à Bercy, qui ovationne le pape qui défile dans son mobil home ou marche au pas cadencé derrière un drapeau noir, blanc ou rouge. Leur vie est un long fleuve tranquillisé bouleversé seulement par les remous de l'histoire. Ils en seront les auteurs, les témoins, les victimes inconséquentes. Ils sont la cohorte innombrable des dominés.
Elle en compte d'autres qui leur sont totalement étrangers et pourtant prisonniers et asservis encore davantage. Au début ils ont l'esprit disponible, ouvert, accueillant. Ils prêtent une oreille attentive à ce qui leur apparaît comme une réflexion profonde issue d'une idéologie sérieuse certifiée par des penseurs reconnus et qui donne une réponse ou solutionne un problème. Ces gens-là grossissent les rangs des partis, des églises, aiment les discours, les sermons. Ils perdent leur liberté de penser, d'agir mais l'obéissance leur assure une tranquillité qui vaut tous les sacrifices. Ils délèguent leur vie à ceux dont ils ont fait leurs maîtres. Elle les investit d'une clairvoyance, d'une sagesse, d'une intelligence, d'une connaissance dont ils se croient dépourvus par un complexe d'infériorité qui relève de la psychiatrie. Il est alors facile à ceux qui, au contraire, ont un ego surdimensionné, un orgueil démesuré, tous les traits de la personnalité paranoïaque, de leur faire croire ce qu'ils veulent. Ces chefs de parti ou d'église sont les dominants.
La troisième catégorie inquiète car contredit les précédentes. Elle refuse par principe tout ce que les autres acceptent de façon naturelle. Elle ne suit pas la ligne directrice et refuse la conduite des dominants. Cette frange indocile a conscience d'exister non pour exécuter un programme dicté mais suivre une pensée capable de critiquer ce qu'il est, dit, pense et de soumettre les autres à la même expertise. Il juge selon ses propres normes ce qui est beau et laid, bon ou mal, vrai ou faux. Ils ne demandent à personne de penser, de décider à leur place. Autonomes, ils analysent, jugent, jaugent, décident et agissent en fonction de leur propre avis.
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