L’homme marche sur deux pieds, parle, pense, réfléchit et
comprend puisque – faculté suprême qui en fait l’exception – il serait
intelligent. Il l’a prouvé en inventant
la roue, :le couteau suisse, la clef de contact , Internet et que,
depuis toujours, il discourt, disserte quand il ne pontifie pas, assène,
assure, certifie, édicte, proclame, sûr et certain d’être intelligent et de connaître
bientôt le fin mot de l’histoire.
Cependant, le doute est permis car on a vu des individus
notoirement intelligents faire preuve d’une bêtise coupable au point d’apporter
le malheur à leur peuple, de trouver la formule qui finira par faire exploser
la Terre, de conduire l’Europe à l’éclatement et la France à la faillite.
La capacité de jongler avec les balles, les chiffres, les
mots, les idées, les notes, les couleurs, les lignes au point de créer des
chefs d’œuvre, des opéras, des encyclopédies, d’être Molière, Shakespeare,
Kant, Platon, Attali définit l’intelligence théorique, pratique. Mais, parce que
Napoléon a fini à Waterloo et amerri à St Hélène ; que Sénèque, éducateur,a
produit un Néron ; que Giscard construisit une constitution aberrante pour
l’Europe, on a la preuve que ces intelligences-là ne protègent pas de la
bêtise.
Pour nous, , l’intelligence n’est pas à rechercher sur les
bancs de Polytechnique, dans les laboratoires de Princeton ou du CERN, ni rue
d’Ulm ou à l’École des Haute Études. Elle n’est pas une affaire d’aptitude au
calcul rapide, à la mémorisation infaillible, de Q.I. à 150. Ce type
d’intelligence est compatible avec une idiotie profonde.
L’intelligence véritable, à nos yeux, n’est pas mesurable et n’offre aucune garantie de réussite à un examen, à un concours. Elle
n’est ni appréciée ni encouragée. Elle est même un handicap dans notre société qui
la décrie et la combat.
Vous commencez à saliver. Suis-je intelligent ? Félicitations,
vous l’êtes au plus haut degré, si vous comblez mes deux critères :
Vous êtes curieux.
La curiosité est une manifestation princeps de
l’intelligence. Elle suppose intérêt pour ce qui est ignoré. Elle oblige à
poser et à se poser des questions pour combler une ignorance . La curiosité
pousse à interroger l’autre sur ce qu’il fait, qui il est, d’où il vient, où il
va, à ouvrir le livre qui traite d’un sujet, d’un problème, raconte une
histoire. Elle fait aller vers l’inconnu, l’insolite, le nouveau.
Conclusion : si vous regardez sans voir, si vous ne
posez pas la question, si vous ne lisez pas, ne demandez pas la recette,
l’adresse, le lieu, le nom, la marque, vous n’êtes pas plus curieux que mon
chien, une brave très bête.
2ème critère : l’esprit critique.
Discerner le vrai du faux, le bon du mauvais sont des
objectifs basiques. Ils supposent une capacité de jugement. Il faut, pour le
faire, disposer d’une gamme de valeurs morales acquises, en principe, par
l’éducation de base. C’est ce que la louve apprend à l’enfant loup en même
temps qu’à ses petits : respect, propreté, obéissance. Même si l’être
humain ne bénéficie pas toujours de la même disponibilité au service d’un
instinct non dépravé, on estimera qu’elles sont assimilées.
L’esprit critique est indispensable pour aboutir à
l’indépendance. Il permet de ne pas être prisonnier des idées reçues, à la
mode, ou imposées par la religion, la politique, l’idéologie, le sectarisme, la
routine, la tradition.
Il se nourrit de la curiosité qui aura permis d’être en
mesure de comparer avec les options disponibles et de choisir la plus
raisonnable, à court, moyen et long terme. Il est redoutable et impitoyable
quand il n’a pas cette réserve où piocher la bonne décision. Il doit s’exercer
au premier degré et d’abord sur lui-même.
Notre intelligence n’est donc pas celle de l’agrégé, du
normalien, du polytechnicien, ces parangons qui nous
gouvernent si mal. Elle peut ne rien comprendre à la philosophie de Spinoza, à
la mécanique quantique, à la cristallographie de l’eau de rose et au dernier théorème
de Fermat.
Poser des questions, écouter des réponses et décider à la
lumière du pour et du contre suffit ,pour nous, à définir l’intelligence
réelle.
Mais elle serait incomplète si l’intelligence du cœur ne la
complétait pas. Elle suppose deux vertus contradictoires
Il faut être un peu orgueilleux. Non pas de ce que l’on a
(richesse, adresse, exploits, réussite), mais de ce que l’on est : un
individu avec une personnalité qui respecte celle des autres mais entend qu’on
respecte la sienne et veut garder sa liberté de penser et d’agir. Cet orgueil-là
permet de ne pas se sentir inférieur devant qui se prétend supérieur.
La deuxième vertu utile est l’humilité. L’intelligent
connaît trop ses insuffisances, ses défaut pour les oublier Cette conscience de
n’être pas une merveille l’oblige à rester discret, sans
prétention au-delà de ses possibilités.
De la curiosité, de l’esprit critique, une pointe d’orgueil,
un zeste de modestie suffisent à vous qualifier
d’intelligent. Il vous sera même possible de considérer avec un peu de pitié
les intelligences à la mode qui battent les estrades, courent après les
honneurs, les académies, l’argent et perdent leur vie.
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