Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


vendredi 4 avril 2014

THÉÂTRE DE BOULEVARD

Situation

Sur le trottoir d’un grand boulevard, un flâneur déambule, peu pressé, quand il est abordé par un individu bien mis, l’air prospère avec une inquiétude dans le regard et qui l’apostrophe par un :

-      « Je vous demande pardon ».

Serviable, l’autre s’arrête, attend la suite, une demande de renseignements sans doute, mais il se contente de répéter 
:
-      « Je vous demande pardon ».

Amusé, mais aussi interloqué , l’interpellé répond :

-      « Mais de quoi ? Je ne vous connais pas et je ne crois pas avoir à  vous pardonner quelque chose ».


-      « Oh que si ! je vous demande pardon pour ce que vous savez ».

-      « Je suis prêt à vous pardonner tout ce que vous voulez, mais moi , je ne sais pas de quoi ».

-      « C’est de la mauvaise volonté ou de l’amnésie. J’insiste, réfléchissez. Ce n’est pas pour le plaisir que je vous demande pardon. En refusant,  vous ajoutez à ma gêne

-      « Je ne peux pas vous pardonner quelque chose qui n’existe pas. J’ai beau chercher. Votre tête ne me dit rien. Je ne vous ai jamais vu. Vous êtes un parfait inconnu ».

-      « Vous croyez  que je passe mon temps à aborder des inconnus dans la rue et à leur demander pardon ? Vous croyez que cela m’amuse, que je n’ai que cela à faire, que je ne travaille pas ? En refusant de me pardonner, vous me faites perdre du temps et je vais être en retard à un rendez-vous,un rendez-vous important. crucial même ».

-      « Oh là là, c’est à moi que vous faites perdre du temps avec votre prétention à vous faire pardonner, une offense peut-être ? Je vous aurais offensé, c’est ça, mais où ? quand ? comment ? ».

-       « Ah, enfin on y arrive. La mémoire vous revient. Je ne suis plus aussi inconnu que vous le prétendiez il y a cinq minutes ».

-      « Bien sûr, je commence à vous connaître, à en savoir même beaucoup. D’abord vous avez quelque chose à vous faire pardonner. Ensuite c’est moi qui devrais vous rendre ce service car ,apparemment, vous avez eu affaire avec moi. Tertio, vous avez de la suite dans les idées. Quarto , vous n’êtes pas du genre à vouloir garder un poids sur la conscience, vous devez avoir fréquenté un collège catholique et en avez gardé quelques souvenirs. Vous avez aussi un rencard que vous allez rater si vous continuez à perdre du temps à me faire la conversation ».

-      « Pour quelqu’un qui ne me connaît pas, vous en savez sur moi beaucoup plus que j’en sais sur vous. Vous avez mené une enquête de proximité ? vous travaillez aux R.G. ou à ce qui les remplace ? Et vous prétendez toujours ne pas savoir pourquoi je vous demande pardon ? Ce serait la seule chose que vous ne sachiez pas de moi ? ».

-      « Mais enfin, tout ce que je sais, c’est vous qui me l’avez appris. J’ai oublié que vous étiez aussi de mauvaise foi, ce qui pour un catho fait désordre et votre façon de m’interpeler en plein boulevard, votre insistance, votre obstination maniaque, obsessionnelle même à me demander pardon, tout ça fait de vous un original peu banal ».

-      « Moi, de vous, je ne sais qu’une chose. C’est que vous devez me pardonner. Ça ne devrait pas être difficile pour quelqu’un qui connaît tout de moi, plus que n’en sait mon psychanalyste ; Mais vous êtes impitoyable. Je le savais déjà. Je n’ai rien à attendre d’un être plein de rancune, de rancœur avec un esprit de vengeance. Vous voulez m’humilier, que je vous demande pardon à genoux, que je vous supplie. Qu’est-ce que vous voulez de plus pour que j’obtienne votre pardon ? ».

-      « Finissons-en. Arrêtez de crier, de pleurer. Tout le monde nous regarde. Redressez-vous, reprenez votre calme. C’est entendu, j’ai compris, vous avez raison. Il est temps d’oublier, de passer l’éponge, de repartir à zéro, l’âme tranquille. Je vous pardonne bien volontiers, sans arrière-pensée. Je ne vous en veux pas. Ce n’était qu’une peccadille, les torts étaient partagés, vous avez eu le mauvais rôle. Vous pouvez partir en paix ».

Et chacun poursuivit son chemin, l’un satisfait d'être pardonné et pressé d’arriver à son rendez-vous, l’autre méditatif, se demandant ce qu'il avait bien pu pardonner.
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