Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


mercredi 20 mai 2020

UNE VISITE D'EMBAUCHE AUJOURD'HUI

Dans un monde industriel où la main d'œuvre qualifiée est rare, la pénurie a changé le rapport des forces et les comportements. Voyons cette visite d'embauche.
Le postulant: "je vous remercie de m'avoir invité à cet entretien - non  merci, pas de café - j'ai répondu à votre demande d'emploi de soudeur d'aciers spéciaux en milieu confiné et radio-actif.  Vous avez vu mon CV, pris connaissance de mes références, de mon expertise. J'attends vos questions si vous en avez."
"Nous recherchons en effet des soudeurs ayant votre qualification. Vous connaissez nos problèmes, la presse en a fait état. Vous avez surtout travailler à l'étranger. Pourquoi?"
"Parce que j'aime mon métier et ne veux pas travailler avec des rigolots incapables de l'apprécier. En Allemagne, en Coré du Sud, 2 ans aux USA, j'ai trouvé des postes à ma convenance chez des gens sérieux. Mais je vieillis et, à la quarantaine, je reviens au pays pour voir si je peux m'y poser aussi bien qu'ailleurs."
Au bout d'une heure de questionnement, de tests, de démonstration du savoir-faire, l'entretien allait se terminer  quand notre soudeur  questionne à son tour.
"J'aime savoir chez qui je travaille pour ne pas avoir des surprises et je me pose quelques questions  dont vous avez certainement les réponses.
Dans son dernier rapport le conseil d'administration s'auto-congratule et se félicite de la bonne santé de la société, de la progression du chiffre d'affaires, de l'importance du carnet de commandes, à confirmer la politique de croissance externe par acquisition d'entreprises travaillant sur le même créneau, de la bonne tenue en bourse, de sa résistance face à la concurrence chinoise etc. Tout paraît rose pour votre PDG. N'est-ce pas parce qu'il part à la retraite dans un an et tient à sa retraite dorée?  Il y a quelques signaux qui auraient pu l'inquiéter. L'action doit de n'avoir pas dégringolé que par la grâce de rachats massifs, une façon très artificielle de soutenir le cours et qui ne peut durer éternellement. Vous brûlez du cash au détriment  de la recherche. Vos brevets sont de moins en moins maison et de plus en plus chinois. Votre EBITDA EN 2019 a dévissé de 23 %  dans une conjoncture favorable. Vous faites partie de la DRH et les syndicats ont remarqué que vous aviez un record  de procédures prud'hommales que vous ne gagnez jamais. Qui pose problème, eux ou vous?
Votre ancien directeur est sous le coup d'un procés pour délit d'initié portant sur le rachat payé très cher d'une entreprise. Les retombées risquent d'être sévères pour l'équipe encore en place.
Votre politique salariale est curieuse. Elle est très généreuse pour les cadres dirigeants. Leur salaire est régulièrement augmenté  sans rapport avec leurs performances, les stocks-options généreusement attribuées, les indemnités de départ toujours confortables. Parallèlement, les 200 000 ouviers et employés ont un intéressement limité au minimun syndical et les salaires sont au point mort depuis longtemps. Les dividentes, eux, sont  conséquents.
La rentabilité vous fait produire ailleurs tout ce qui peut être délocalisé.
Votre opinion sur ces différent points m'intéresse.
Un dernier point. Un ouvrier spécialisé  gagne, chez vous, au bout de 10 ans  environ 40 000 euros, un cadre dirigeant 3 fois plus. Il sort généralement de Polytechnique (4 ans). Moi, j'ai fait ma formation au au centre de formation  de l'AREP FRESCC de Roubaix, une licence de soudage à Saint Quentin et passé le diplome international de soudeur (total 5 ans).  Je suis parti ensuite pour un tour du monde,  à la façon des compagnons, pour connaître les différentes pratiques : 6 mois en Corée du Sud chez Kepso, 3 mois en Allemagne chez Siemens et enfin 2 ans aux USA chez Westinghouse. Incidement pour me faire comprendre, je parle courament l'anglais, le coréen et l'allemand. Ma voie a, elle aussi été royale, et nous sommes moins nombreux sur le marché que les polytechniciens. J'aimerais qu'il en soit tenu compte dans votre proposition de salaire, si vous m'en faites une".

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