Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


mercredi 16 juin 2021

LA COMPLAINTE DES BOBOS CAMPAGNOLS

Les citadins, hôtes privilégiés des grandes villes domestiques n'imaginent pas le calvaire des expatriés des campagnes incultes perdues au fond des provinces profondes.

Ils ne savent rien de leur vie rustique confrontée à une nature hostile qui les vit comme des colonisateurs envahisseurs. Elle mène contre eux une guerre d'indépendance sans merci. Pour vous donner une idée de leur drame quotidien, il me suffira  de vous soumettre 1 ou 2 séquences d'une journée ordinaire telle  que je la subis, étant l'un de ces malheureux relégués dans une de ces contrées hostiles à l'espèce humaine.

Hier matin, enfourchant mon vieux tracteur Renault de 35 chevaux armé d'un gyrobroyeur, je suis parti pour frayer un chemin jusqu'à l'étang,  dans le travers d'un champ chardonneux, pour nourrir les carpes. À vitesse réduite, zigzagant entre les trous creusés par des hordes de sangliers affamés et les monticules élevés par des taupes sanguinaires, gêné par des nuages de papillons multicolores qui voulaient m'empêcher d'aller plus avant et me chasser de leur territoire, je progressais cahin-caha jusqu'à mon but et faisais mon devoir de père nourricier. Le retour fut le même combat en milieu hostile. Les guêpes, les frelons et leur variété étrangère, les moustiques, les mouches, les tiques redoublèrent d'efforts pour me saigner à blanc, m'empoisonner. Je résistai, fis face à tous les assauts. Ils subirent des pertes et je remisai ma monture dans son garage. L'après-midi, sans prendre le temps de me reposer, je filais au potager continuer le labeur éternel de l'homme contre les mauvaises herbes. Liseron, chiendent, mouron,  pissenlit, ortie,  ronce unissent leurs forces infatigables pour étouffer mes laitues, persil, patates et autres légumineuses. Les limaces, les escargots, les mulots les assistent dans leur entreprise criminelle. Biner, sarcler, ratisser, arroser m'occupèrent jusqu'à l'épuisement. La nuit venue, je me suis effondré sur ma paillasse de foin moisi pour rêver à la vie paradisiaque des citadins dans leurs H.L.M. de  luxe.

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