Cette disparition était jusqu’alors considérée comme la conséquence d’un hirsutisme contrarié ou d’un hyper-sexualisme d’origine androgénique. L’échec des traitements médicaux avait infirmé les deux hypothèses et laissé le champ libre à une chirurgie de remplacement coûteuse, douloureuse, inesthétique. Les psychiatres ont découvert que les chauves étaient seulement victimes d’une personnalité en limite de la névrose obsessionnelle. C’est-à-dire des personnes exagérément scrupuleuses qui ont pris l’habitude, sous l’influence de contraintes diverses (problèmes familiaux, conjugaux, professionnels, d’identité sexuelle) de couper leurs cheveux en quatre. Cette manière d’analyser, d’expliquer, d’interroger aboutit à une division de leurs cheveux qui, poussée à l’extrême, finissent par disparaître. Leurs follicules surmenés s’épuisent, lâchent prise et ne reviendront plus.
Ce n’est pas la trichotillomanie, ce passe temps des demoiselles qui se tiraillent les cheveux jusqu’à les arracher pour se donner une contenance et s’éviter l’anorexie.
Cette découverte a déjà le retentissement que vous imaginez. Les lotionneurs, les greffeurs vont devoir se recycler. Les psychiatres jubilent, ils savent traiter les obsessions, leur arsenal est éclectique. Débarrassés de leur TOC, les coupeurs de cheveux en quatre vont le faire en deux puis en abandonner l’habitude. Libérés, leurs cheveux vont rester en place, leur tête au chaud, les idées seront plus claires, le moral meilleur.
Je vois hélas un contrecoup à cette éradication des chauves : avec leurs scrupules ils étaient les gardiens de la société, ils la maintenaient dans les rails. Ils empêchaient les sans scrupules de faire le pire qu’ils rêvaient. Grâce à eux il y avait une limite à tout. La concussion, la dérision, l’escroquerie, le vol, le mensonge devaient encore se cacher pour prospérer. Les chauves veillaient. Que va-t-on devenir si les chauves disparaissent avec leurs scrupules ?
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