Les pieds pâtissent de leur position subalterne. Prisonniers durant la journée et une partie de la nuit de chaussures, de bottes, de sabots, de savates, encapuchonnés de chaussettes, de socquettes, de bas, ils sont condamnés à marcher, courir, piétiner, trépigner. Il n'y a que durant le sommeil qu'ils ont un semblant de liberté très limitée puisque confinés sous les draps.
Les mains mènent, elles, la grande vie et font tout ce qui leur plaît, sans limite, sans entrave. Elles gesticulent, applaudissent, écrivent, jouent au piano, cognent, manient la varlope, le marteau, la truelle, construisent des maisons. Elles prennent des gants pour se protéger et s'en libèrent à leur discrétion, sans se faire gronder. On respecte les mains, on les traite avec délicatesse, elles ont un médecin spécialisé, une doctoresse appelée manucure dont les soins n'ont rien à voir avec ceux du podologue, un confrère du maréchal-ferrant.
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