Tout finit par se savoir et se payer. Ainsi en est-il des pieds. Bien qu'innocents, ils subissent toute leur vie un supplice épouvantable qui ne peut se comparer qu'à celui du condamné à perpétuité encagé dans une cave obscure, humide où il serait serré de toutes parts et dans l'incapacité de déplacer un seul orteil, tout en étant soumis à un martèlement cadencé infernal. Ils n'ont que la nuit pour récupérer, retrouver un semblant de liberté.
Les pieds de certaines personnes pâtissent d'une torture encore plus raffinée, digne de l'inquisition et sont enfermés dans des chaussures à talon aiguille qui les cambrent d'une façon extravagante, les déforment et leur infligent des souffrances que je n'ose pas imaginer. Ce traitement barbare a des conséquences sur la santé de ces pauvres extrémités. Les pédicures et les podologues travaillent d'arrache-pied en vain pour corriger les dégâts: œil de perdrix, crevasse, mycoses, aponévrosite plantaire, hallux valgus, cors, névrome, durillons, verrues plantaires, ampoules. Leur fin de vie est atroce: après avoir été comprimes, compressés, écrasés de coups, asphyxiés, ils n'ont plus forme humaine et les muscles, la peau, les tendons, les nefs, les vaisseaux, les os ont tout perdu et ne peuvent plus servir. Le repos arrive trop tard. Leur ultime satisfaction est amère. Ils sont en tête du convoi funèbre et les pieds du cadavre ouvrent la voie.
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