Je ne sais pas si vous êtes comme moi mais
j’ai l’impression d’habiter depuis longtemps dans une maison d’enfance, pleine
de souvenirs qui ne me quittent pas où que j’aille, quoique je fasse.
Plus le temps passe, plus ils s’accrochent.
Le grenier déborde, avec des malles pleines de jouets cassés, de soldats de plomb
sans tête, de raquettes tordues, de livres roses, verts, en vrac, écornés, de
vêtements troués, les ombres d’une époque disparue. Mais il suffit d’y penser
pour que la piste redevienne fraîche, familière. Et avec elle, toutes les
excitations. Les couleurs s’avivent, les trous se bouchent, les pages
s’animent, les roues tournent, les soldats marchent au pas. Tout reprend
vie.
D’autres pièces sont encombrées de meubles
anciens, de vieux tapis, des tableaux, des lustres, des choses déglinguées, mitées,
les couleurs sont passées, les souris se sont régalées. Il y a des albums de
photos jaunis, les corps sont guindés, les visages un peu flous. J’ai du mal à
donner des noms. Quel jour le petit oiseau est sorti ? Mais il suffit de
regarder et la scène se rejoue, en noir et blanc, sans le son. C’est dans ces
temps d’inventaire que je me dis qu’il faudrait faire le ménage, un tri sévère.
Évacuer toutes les vieilleries, , changer de décor, une rénovation de la cave
au grenier est urgente. L’opération est nécessaire. Les parquets sont vermoulus,
les portes ne ferment plus, les gonds grincent. On voit mal à travers la pénombre,
les toiles d’araignées. Des portes refusent de s’ouvrir.
A quoi cette pièce pouvait bien servir ?
Il n’y a pas d’ampoules au lustre. Les papiers sont indistincts. Tout y baigne
dans un brouillard poussiéreux. Il y fait froid. Le genre d’endroit à passer à
côté. La cuisine, elle, reste accueillante. J’y sens les odeurs des tartes, des
crèmes au chocolat, du pain perdu, des crêpes, des beignets, des confitures, j’entends
coudre la machine. Mais on ne peut pas passer son temps à cuisiner. Allons dans
l’atelier. Des trucs marrants sont suspendus, des marteaux pourraient frapper
si on en avait la force. Beaucoup d‘objets sont rouillés, cassés, des pointes
tordues, des boulons sans écrous, des limes toutes lisses, un rabot en bois, une
chignole. Ils encombrent, pourquoi sont-ils toujours là ?
Le gros œuvre tient, mais pour combien de
temps ? La poutre maîtresse fléchit. La toiture a des trous. L’enduit est
décrépi, plein de rides et de fissures. Les canalisations fuient. Il aurait
fallu soigner ses maladies, la ravaler, changer les huisseries, remettre de
nouvelles ardoises, refaire les canalisations, mais, faire du neuf avec du
vieux, est-ce bien raisonnable ?
Il est trop tard. Son temps est passé. La
baraque est bonne pour la casse. Les éboueurs arrivent, je peux vider mon sac
avant de le poser.
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