Nous étudierons aujourd’hui l’intelligence versus la bêtise.
Pour quelques uns, l’homme serait devenu intelligent à la
suite d’une opération du Saint-Esprit (le surdoué de la Trinité). C’est une
légende urbaine et rurale qui perdure depuis longtemps malgré l’absence de
compte-rendu de l’intervention. Pour tous les autres et surtout depuis Darwin,
c’est l’aboutissement d’une évolution aléatoire, chaotique. Elle a conduit
l’amibe initiale - probable fruit du hasard plutôt que de la nécessité - à
l’individu d’aujourd’hui. Il y eut quelques étapes qu’il faut mieux oublier.
L’intelligence au début en était à ses balbutiements. Elle a appris à l’ancêtre
hominidé à grogner puis à articuler, à parler, à écrire, à compter, etc.
Dès que la plénitude de son intelligence lui a été acquise,
l’homme (entré très vite en concurrence avec la femme, très douée également) a
inauguré le cycle de ses bêtises. Cette confrontation n’a pas cessé et fait sa
singularité.
Nous avons, d’un côté, une capacité d’analyser, de déduire,
de comprendre, de distinguer le bien du mal, le beau du laid, de rêver, de
chanter, d’inventer. De l’autre, une tendance à se battre, à trahir, à haïr, à
détruire, à salir, à l’erreur, en un mot, à faire des bêtises. Il faudrait être
très intelligent pour expliquer cette dualité et très bête pour ne pas s’en
étonner. Nous nous contenterons d’en parler.
Nous n’appellerons pas à l’aide l’IRM fonctionnelle, les
neurosciences, la linguistique, la philosophie, etc. Il n’y aura pas non plus
l’historique des études menées depuis l’apparition de l’intelligence pour
stigmatiser la bêtise. La disparition des documents écrits dans des langues
inconnues par les professeurs des civilisations qui n’ont laissé aucune trace
ne m’a pas permis de commencer ma réflexion comme je l’aurais souhaité. J’ai
résisté à la tentation de créer les documents manquants. Je me bornerai donc à
des réflexions éparses et ramassées ici, puisqu’il faut bien finir ce qui a été commencé. La différence fondamentale
est temporelle. L’intelligent est un intermittent de la bêtise alors que
celle-ci est permanente et ne fait jamais relâche. Elle est définitive. L’imbécile,
le con, l’idiot, le stupide est incurable, tout ce qu’il fait est marqué du
sceau de son imbécillité, de sa connerie, de son idiotie, de sa stupidité :
il épouse une acariâtre ; choisit un métier qui va disparaître ; achète
une décapotable, part en vacances le 1er août. L’intelligence est,
elle, inconstante, avec des trous, des absences, des pannes que la bêtise
éclaire de toute sa puissance. Au point que, chez certains la bêtise finit par
dominer et avoir le dessus.
Napoléon est un exemple caricatural. Il a tous les talents.
Son intelligence est supérieure. Il domine ses contemporains. Il est
visionnaire. Il commet, pourtant, bêtise sur bêtise. Trop pressé, il voit trop
grand, va trop loin, et, misère, il ne sait pas se reposer, digérer, arrêter.
Tous les conquérants ont cette folie : Alexandre, Attila, Hitler.
Le philosophe, parangon de l’intelligence transcendantale a
des croyances imbéciles, des faiblesses coupables, se fourvoie dans un gouvernement,
perd son temps en parlottes, fait des ménages dans les croisières. Le savant,
après sa grande découverte, arrête de chercher, de réfléchir, court après les
honneurs, les prébendes, les académies et donne son avis dans tous ses domaines
d’incompétence.
Le propre de l’intelligence est de douter. La bêtise ignore
l’hésitation. Elle fonce, sûre d’elle-même. C’est une raison de sa séduction
car ses solutions erronées, ses prétentions abusives, ses idées courtes
entraînent l’adhésion des foules imbéciles qui s’y reconnaissent. Elle ne se
donne même pas la peine ou l’ennui de combattre d’intelligence. Pourquoi se
fatiguerait-elle à débattre puisque tant de grands esprits s’empressent à son service,
obséquieux, ravis de mettre leur intelligence à ses pieds. L’histoire ancienne
et récente regorge de ces hommes et ces femmes intelligents, traitres à
eux-mêmes pour un plat de lentilles. Ils se justifient en feignant de croire
qu’ils obtiennent alors les réponses à leurs questions d’hier et que, ne s’en
posant plus, ils ont trouvé la sérénité. On est inquiet pour eux car un esprit
intelligent ne peut cohabiter avec la bêtise sans souffrir, se mépriser et se
détruire.
J’ai gardé pour la fin les deux interrogations que, futé,
vous vous aviez en tête : Qui, de l’imbécile ou de l’intelligent est le plus
heureux ? Qui est le plus dangereux?
Mais comme la réponse ne fait pas de doute, les questions
sont superflues.
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