Pour
éclairer vos pensées et éclaircir vos idées, voici une aide à la décision en
forme d’ode au sucré qui vous libérera d’un préjugé et vous fera mieux profiter
de votre bûche de Noël. Demain, si vous avez été sage, on parlera du oui et du
non.
Le
sucre est mal aimé, on a honte d’en parler.
Il
faut y remédier.
Il
m’a beaucoup donné, je lui ai rien rendu.
Je
le chanterai donc, je serai son Hérault.
Ce
n’est pas difficile, il n’a que des vertus.
Bon
pour tous et à tout, il n’a pas de défauts.
Il
rend heureux l’enfant, fait rire le grincheux.
Nature
ou transformé, il est chez lui chez eux.
Parce
qu’il s’offre à chacun et se refuse à rien.
On
lui reproche tout : la carie, le diabète.
Méprisé,
calomnié, on le met à la diète.
Lui,
le doux, le tendre, roi du suave et du bien.
Trop
présent, trop utile, il a des ennemis.
Au
banc des accusés, je serai son ami.
Le
mot, d’abord, est beau. La bouche en cul de poule, il se susurre, se suçote, se
clôt en un petit bruit incongru, délicieux, un léger crachotis, discret,
réservé, presque avalé aussitôt dit.
Il
faut le comparer, pour l’apprécier à sa juste saveur, aux autres ingrédients. Difficile
d’en parler puisque tout les oppose. Leur rôle est secondaire. Ils ne sont
tolérables qu’à peine discernables.
Ne
les accablons pas, ils sont ce qu’ils peuvent être : des releveurs de
goût, des béquilles pour cul de jatte. Ils suffisent à certains qui en mettent
partout. Un seul retient l’attention : le sel. Qu’il soit fin, qu’il soit
gros, il veut la première place. On le trouve partout : sur la table, dans
la mer, dans les plats, sur la route. Vil flatteur, il cumule les vices. Son adjectif
repousse : sale et laid. Mis à toutes les sauces, il encombre le corps,
retient l’eau, fait monter la tension, œdématie le poumon, gonfle la jambe. Faute de pouvoir faire mieux, il
raccourcit la vie. Il triomphe dans ce qui lui ressemble. Rien qu’à les nommer,
on voit qu’ils sont vulgaires: andouille, boudin, cervelas, cornichon, bifteck,
mortadelle, pot-au-feu, saucisse, saucisson, etc.
Les
syllabes s’enchaînent avec effort, dans des consonances rugueuses. Tout ça est
dégoûtant et seule une faim de loup, une boulimie aveugle expliquent leur
succès, ce manque de goût. La satiété qu’ils donnent est indigeste, satisfait
seulement qui boit sans soif, mastique par habitude, avale par réflexe, digère
sans paix.
Le
sucre est à lui seul une belle compagnie. Il se suffirait à lui-même, si, bon
compagnon, il n’aimait la farine, le beurre, l’œuf, l’amande, etc.
Il
est au cœur de tant de beauté, de bonté que tous ses dérivés donnent le même
bonheur à la voix, à la langue : bonbon, berlingot, nougat, praline,
sucette, sucre d’orge, loukoum, confiture, miel.
Bonne
pâte, il veut bien tout, s’apprête comme l’on veut: en pain, en morceaux, en
poudre, en cristal, en glace, en sirop il se moule à la forme. Il se cuit, au
petit cassé, au grand boulet. Si l’on insiste, il devient caramel, se filamente
en cheveux d’ange, se fait nuage en barbe à papa.
Liquide,
il coule mieux qu’une source, en douceur, en suaveur.
Sodas,
sirop d’orgeat, sauternes, Loupiac, Cadillac, Bonnezeau. Il est l’âme du
nectar, le saint esprit d’Yquem, le moelleux du champagne. Il humanise la
citronnade ; de bulles il fait une limonade.
Sans
lui, pas de gâteaux et pas de pâtissier, ce bienfaiteur par qui l’extase s’invite
à table.
Un
dessert réussi fait oublier une entrée ratée, un rôti brûlé, un vin bouchonné,
une matinée pluvieuse, un ongle incarné, un crack boursier. Il récompense de
tout, fait oublier la vie, la mort.
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