Les éditions Galimarion refusent de publier mon travail.
Vous ne pourrez donc pas vous offrir, en cadeau de fin d’année, le livre utile,
capable de rendre service, d’éclairer l’avenir.
Ce ne fut pas un travail facile. Je l’ai mené avec rigueur
et vigueur, n’épargnant aucun sacrifice, faisant les efforts nécessaires, me
confrontant aux expériences les plus éprouvantes :
-
un stage de 6 mois comme brancardier dans un
service d’urgence à l’AP ;
-
un remplacement de veilleur de nuit dans une
maison de retraite, au 5ème étage. Il est appelé, par le personnel, « le
mouroir »;
-
un bénévolat pour secouriste lors d’un
tremblement de terre en Transbiélokystan ;
-
un reportage de 15 jours avec une équipe de pompiers
désincarcérateurs sur l’autoroute A33 ;
-
un emploi d’agent de sécurité pendant un mois
dans un service d’urgence d’un hôpital de banlieue ;
-
une simulation d’infarctus pour être hospitalisé
dans un service de soins intensifs en cardiologie.
Il y eut beaucoup d’autres expériences sur le terrain,
chaque fois qu’il est propice à des situations pouvant devenir rapidement hors
contrôle.
L’enquête m’obligea à lire beaucoup, à visiter des centres
spécialisés, à recueillir des témoignages de rescapés d’un crash d’un avion de
ligne, d’une avalanche, d’un tsunami, d’un EMI.
Il y eut aussi 2 rencontres impressionnantes. L’une avec un
médecin belge spécialiste de l’euthanasie à domicile, l’autre avec une équipe
suisse s’occupant aussi de faciliter le dernier voyage dans une clinique
réputée. Ils m’autorisèrent à assister à leurs interventions. Leur
intelligence, leur humanité, leur clairvoyance, leur courage, leur sagesse me
laissèrent une impression qui n’est pas près de s’éteindre.
Après plusieurs années d’effort, le matériel était réuni et
je me suis attelé à la rédaction. Un an d’écriture et j’en avais fini. J’avais
trouvé un titre alléchant :! « Les mille et une morts ». Je le
préférai, finalement, à ce qui fut un moment mon premier choix « Comment
vous allez mourir ». Trop direct, trop brutal, il risquait d’heurter la
sensibilité de ceux qui conservent, malgré le développement bienheureux des
soins palliatifs et le concernement enfin éclairé du personnel soignant pour la
fin de vie, une appréhension légitime pour le dernier évènement de leur vie et
qui préfèrent faire semblant d’oublier qu’il arrivera.
Vous avez compris que mon ambition était de combler une
lacune et d’apporter – enfin – la lumière sur la manière dont nous vivrons nos
derniers instants. Notre société est trop lâche, trop hypocrite, trop peureuse
pour aborder ce problème de façon ouverte, franche, sans complexe ni tabou et
surtout sans peur.
Je ne laisse rien dans l’ombre, je détaille les symptômes de
chaque pathologie et son évolution jusqu’au terme. Je décris les états
physiques, le mental, les douleurs associées, les effets positifs et négatifs
des traitements et enfin et surtout je ne laisse aucune ombre sur les 5
dernières minutes. C’est là que le suspens est à son comble, quand le rideau va
tomber, que les lumières s’éteignent et que l’éternité va commencer.
Le moment est unique, le plus important de la vie. C’est en
le connaissant qu’on le supportera au mieux car il ne surprendra pas.
Ce livre, qui ne paraîtra pas, aurait apporté de précieux
renseignements aux esprits curieux, à ceux qui n’aiment pas l’imprévu et savent
qu’un voyage est d’autant meilleur qu’il a été bien préparé.
Enfin et surtout, il aurait eu un effet préventif. La
description réaliste des morts brutales, sauvages, subites et qui fauchent sans
prévenir aurait pu éviter – peut-être – les dépassements de vitesse, l’alcool
au volant, des faux exploits sportifs et mortels, des voyages lointains
inutiles, dans des pays instables, sur des avions pourris, dans des endroits où
l’on reçoit des balles perdues, où l’on est kidnappé puis exécuté, où l’on
attrape des sales maladie dont on ne guérit pas.
Sachant quel genre de fin procure un cancer du poumon, une insuffisance
respiratoire, le fumeur y aurait trouvé sans doute des raisons d’arrêter de s’intoxiquer.
Le buveur qui boit sans modération, après avoir assisté par procuration à la
mort d’un cirrhotique dans le coma hépatique, serait enclin à mettre de l’eau
dans son vin. L’hypertendu observerait mieux son traitement s’il apprenait
comment meurt un hypertendu qui se néglige. L’obèse se donnerait des raisons
pour mieux manger et ne pas risquer de devenir diabétique s’il savait comment
le diabète se complique et fait mourir, etc.
Toutes mes excuses pour vous avoir mis l’eau à la bouche
alors qu’il n’y aura rien à boire.
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