Si je regarde mon reflet, je vois une ombre qui me ressemble
et me distingue des autres. Si je me concentre sur ce que je comprends de ce
que j’entends dans ma tête, je reconnais des pensées obscures, qui s’ordonnent parfois
en des idées plus ou moins claires. Elles donnent des avis et des ordres qui
mobilisent et activent ce qui s’appelle la vie. Pour l’embellir, l’enrichir, la
faire agir, il lui faut des impressions, des sensations, des sentiments. Elle
en dispose car elle est prisonnière d’un corps adapté à sa fonction et qui a
les instruments qui lui en donnent les moyens.
Avec le temps, l’enveloppe, se fripe, s’épuise. Les muscles
se fatiguent après s’être tant contractés. Les articulations s’ankylosent après
avoir tant fléchi. Les vertèbres se tassent et ne supportent plus l’échine à la
verticale. Les yeux, après avoir tant vu et les tympans après avoir tant vibré,
entrent dans le flou et ont besoin de béquilles. Le moteur qui propulse les
globules devient poussif. Ils ralentissent aux croisements et les artères
bouchonnent. Les neurones se raréfient. Des circuits se ferment. Les mémoires
s’effacent. Les souvenirs s’envolent. Ils sont remplacés par des ruminations
qui tournent en boucle.
À ce moment, l’ombre ne donne plus de reflet. Il n’y a
qu’une absence et dans le crâne, seul le silence retentit. Il est temps de
retourner à l’éternité et au néant.
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