Pour résorber le chômage, amorcer la réforme fiscale,
assurer l’égalité homme-femme, faire avancer la parité, en finir avec l’esclavage
domestique, le président de la République, sur proposition des ministres
concernés, a décidé que la femme au foyer percevra le juste salaire de son
travail.
Elle qui cuisine, lave, repasse, balaie, nettoie, fait les
lits, les courses, s’occupe des enfants gratuitement, sans un remerciement,
recevra dorénavant des gages à la juste mesure de son labeur.
Elle joue au quotidien, en permanence, le rôle qu’au 19ème
siècle, avaient, dans les riches maisons bourgeoises, la gouvernante, le
cuisinier(e), assisté du rôtisseur, du saucier, du pâtissier, aidés de deux ou
trois filles d’office. Elle fait la lingère (et la repasseuse), la chambrière
et le valet de chambre et, souvent, la bonne d’enfant, la répétitrice, le
précepteur. Elle cumule ainsi 13 emplois, en plus d’être la maîtresse de
maison.
Et, pendant ce temps-là, monsieur parle, discourt, dicte des
lettres qu’il signera plus tard sans même les relire, prend quelques décisions,
assiste à des réunions, lit son journal (technique) et se prélasse derrière son
bureau en attendant que le temps passe.
Il sera désormais obligé de payer le service rendu par sa
femme au foyer. Ce foyer qu’elle entretient, dont elle fait briller les
parquets, resplendir l’argenterie et en fait le lieu où l’époux a toutes les
aisances, sans fatigue, sans dépenses.
Le travail de la ménagère dans la maison est un travail
obligeant à connaître de nombreuses spécialités acquises au prix d’un long et dur
apprentissage. Elle a dû acquérir des connaissances hôtelières, maîtriser tous
les métiers de bouche : découper un gigot, désosser un lapin, lever les
filets, monter les œufs en neige, affiner le fromage, etc. Sur le marché, chez
les commerçants, elle doit éviter de se faire gruger. Elle soit savoir
reconnaître le poisson frais, débusquer la pomme pourrie, choisir la salade
fraîche et ne pas se laisser servir du pain rassis.
Avec cette formation digne de Polytechnique, elle pourrait prétendre
à un salaire cumulant tous les métiers qu’elle exerce, comme monsieur Jourdain
faisait de la prose, et les gains du conjoint n’y suffiraient pas. Le président,
dans sa sagesse, a décidé qu’il sera la moitié du sien afin que chacun soit
traité de façon égalitaire. Bercy jubile car avec les prélèvements sociaux, l’impôt
sur le salaire de 2 millions de femmes au foyer, le déficit français va passer
sous les 1%.
Le ministère de la femme triomphe et madame Belkacem, la passionaria
de l’égalité des sexes va entrer dans l’Histoire.
Le ministre du travail quitte sa mine blafarde et se
retrouve avec 2 millions de travailleuses supplémentaires.
La ministre de la Santé frotte ses mains soyeuses car le
nombre de femmes au foyer sous antidépresseurs va chuter et c’est tout bon pour
la S.S.
Nous ne doutons pas que cette grande réforme sera accueillie
avec enthousiasme par la moitié de la population appariée, actuellement
confinée dans les cuisines. N’ayant plus besoin de l’aumône d’une pension de
réversion, avec sa juste retraite, ayant par la force de la loi conquis le droit
à un statut social gratifiant lui donnant une place émérite dans la société
civile, la femme au foyer, travailleuse oubliée, méprisée, ravalée au rôle d’esclave
moderne voit ses mérites récompensés et devient la dernière victoire de la
Révolution de 1789.
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