À priori le choix est simple. Il est binaire, comme le feu
au croissement, si on oublie l'orange (du marchand). C'est une
ouverture-fermeture éclair. On peut, pressé, se contenter de la version
officielle et discourir avec componction sur le thème comme il suit:
Oui ouvre une
porte, satisfait une attente, une demande. Il comble un manque, un besoin. La
vie se poursuit, facilitée. L'un est heureux d'avoir donné. Il se ressent
généreux, bon, bienveillant, estimable. Sa propre estime grandit.
Non est son
opposé. Il ferme une porte, clôt la discussion, crée une rancune, un passif.
C'est l'attente déçue, l'espoir envolé, le rêve évanoui. Il sépare, divise,
blesse. Vous vous épargnerez ce paragraphe en mettant le précédant au négatif.
Trop tard.
Beaucoup de mots brefs, monosyllabiques en disent long. O et
N portent cette particularité au plus haut niveau et peuvent éviter un discours,
une explication, une logorrhée. Cela n'empêche pas qu'une conversation lourde
de sens et riche de conséquences peut se limiter à ce qui est presque une
onomatopée.
Si vous avez résisté à l'envie d'en finir avec la bûche de
Noël ou d'en mettre une en chêne dans le poêle c'est que vous êtes prêt(e) à
entendre la suite.
Si le blanc et le noir ont gardé leur couleur, il faut
admettre que nos frères ennemis ont, eux, perdu de leur fraîcheur. La pollution
n'esquinte pas seulement l'air, l'eau mais aussi les mots. Ils sont devenus
très dépendants des circonstances et leur fiabilité de celle de l'émetteur(trice).
Par exemple, les idéologues, les idolâtres, les sectaires,
les fanatiques disent Oui à leur
folie et Non à la raison des autres.
Ils espionnent, épient, surveillent, emprisonnent, torturent, tuent. D'autres
moins radicaux mais à fort potentiel de nocivité se contentent de dire Non au bon sens et Oui aux décisions imbéciles. Ils font pousser les éoliennes,
construisent des centrales atomiques, des autoroutes, es aéroports, font fuir
les riches, découragent les entrepreneurs.
Ces Oui et les Non honteux existent depuis qu’il y a des
lâches, des renégats, des traîtres, des collabos, des cons, c’est-à-dire,
depuis toujours. Ils acceptent la reddition, la trahison, la compromission car
ils y trouvent leur compte.
Le Non glorieux est aussi remarquable qu'exceptionnel. C'est
celui qui refuse ce que la multitude accepte, adore par bêtise, paresse,
formatage et qui, pourtant, est insupportable, intolérable, inadmissible. C'est
un acte de foi, de courage. Il marque une opposition sans faille, une
indignation. Il fait risquer l'opprobre, la mise au pilori, la prison, la mort.
Il se décide au moment de le dire et nul ne sait s'il en est capable. Être un
représentant Baudin n'est pas donné à tous (Il est mort en 1851 sur une
barricade en s'opposant au coup d'État du Prince Napoléon, en disant: "Vous allez voir comment on meurt pour
vingt-cinq francs par jour").
Le Oui a plus d'avenir que le Non car il a toujours été le
choix de ceux qui font avancer la science, la civilisation avec leurs
inventions, leurs découvertes. Ils ne sont pas, comme les systématiques du Non,
des opposants par principe à toutes les nouveautés, les évolutions, les
révolutions. Les premiers, quand ils sont majoritaires, entraînent leur pays
vers le progrès; les autres, comme chez nous, le font entrer en reculant dans
le siècle.
On vient de voir que le Oui et le Non portent au lyrisme et
entrent facilement dans la petite et la grande histoire. Ils ont une autre
fonction cachée, un emploi permanent, discret, inaudible, jamais mis à leur
crédit. Il est temps d'en parler.
Dans notre tête, le Oui et le Non jouent le rôle de 0 et 1,
du + et du - dans l'ordinateur. Ce sont eux qu'ici et là règlent la circulation
des données de l'information et permettent la communication. Tout ce que nous
faisons est tributaire d'un arbitrage constant entre Oui et Non. On ne parle,
lit, écrit, marche, travaille, pense que si une décision a été prise et
maintenue. Tout changement d'activité obéit à une inversion et à son
remplacement par un oui différent. Notre système nerveux héberge un centre
régulateur qui envoie des ordres dont les effets paraissent instantanés. Tous
ces oui-non microscopiques, débités en continu obéissent à un code éthique, politique
inscrit à l'endroit où cohabitent l'âme, l'esprit, la raison, l'intelligence.
Ils sont bien dans la boîte crânienne car ils disparaissent quand le cerveau est
détruit, dégénère. Ses infimes oui et non deviennent explicites et s'expriment
à voix haute quand le moment est venu de donner son accord ou d’exprimer son désaccord.
Le Oui et le Non sont donc sécrétés comme l'arbre donne un
fruit, par le travail souterrain, secret, de milliards d'informations dont la
balance dépend d'une entité mystérieuse, remplie des valeurs acquises au fil des
années et qui tient sous sa dépendance la qualité de notre décision.
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