Ce qu'il y a d'admirable dans la pluie, c'est la goutte. Elle plane, dans son nuage, un cumulonimbus, dans un confort ouaté, parmi ses congénères, devisant, papotant, jetant un œil blasé sur le paysage de monts et de plaines qui défile au gré du vent et du baromètre. Peut-on imaginer destin plus grandiose.
Quand soudain, parce que le temps est devenu pluvieux ou s'est mis à l'orage, le nuage, gorgé d'eau est obligé de se vider. La goutte, sans un mot à redire est sommée de déguerpir et de descendre avec les autres. Disciplinée, elle obtempère, part au commandement et se jette par dessous le nuage qui maigrit à vue d’œil. En chute libre, sans parachute, sans un cri, elle tombe. L'atterrissage est brutal,, une brisure. Elle éclate en gouttelettes dans un petit plouf si c'est sur une tuile, dans un tonnerre de crépitements qu'elle prend pour des applaudissements si c'est sur une toiture en bacs d'acier ou en silence si elle atterrit sur un terrain qui avait préparé un tapis de fleurs.
Dans tous les cas, il en est fini de la goutte parfaite, une perle de la nature, un miracle de la physique mais une odyssée commence, digne de celle d'Ulysse. Noyée dans l'eau où elle s'est fondue avec toutes, elle part à l'aventure. Ce pourra être à la conquête de l'océan en empruntant mille détours si elle a le pied marin, à la conquête de la terre si elle préfère revenir à la source en passant par la nappe phréatique. Mais la goutte n'a qu'un espoir, qu'une envie: retrouver son nuage, elle est volage. C'est le ciel qu'elle veut. Elle s'étend au soleil, attend qu'il la brûle, la fasse partir en vapeur. Devenue plus légère que l'air, elle quitte la mer ou la terre, retrouve sa forme, reprend son voyage jusqu'à la prochaine averse.
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