Dans le corps, ce qui fait souffrir le plus ce n'est pas le foie, le cœur, le pancréas, les dents, les reins mais, après le cerveau, ce sont les articulations. C'est la juste punition dont elles nous accablent après une vie passée au service d'un individu ne tenant pas en place et qui n'a pas cessé de les fatiguer au delà du raisonnable. Hanches, coudes, genoux, épaules, poignets, chevilles, pieds, mains, rachis ont passé leur temps dans les flexions, les extensions, les abductions, les adductions, les rotations. Comprimées, étirées, obligées de marcher, de courir, de nager, de soulever, de manier, de porter, n'ayant que le temps du sommeil pour récupérer, nos pauvres articulations surchargées, surmenées, outragées, découragées, finissent usées, disloquées, déformées, dans l'arthrose, les rhumatismes, les polyarthrites, la douleur. Sans égards pour leurs mérites, sans reconnaissance de leurs services, sans leur donner une retraite heureuse dans un fauteuil roulant ou le décubitus apaisant d'un lit de long séjour, elles sont dorénavant découpées à la scie électrique, jetées à la poubelles et remplacées par une prothèse synthétique, achetée sur catalogue, du genre Canada Dry qui a la fonction mais pas le mystère, la personnalité, la poésie de la pièce d'origine. Elles font le job, mais de façon mécanique, et finissent de transformer l'homme initial en cyborg, un robot pensant que son humanité a raison de se faire du souci.
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