Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


mardi 28 février 2023

UNE CONVERSATION AU BISTROT DU COIN

Lors de notre dernière conversation au café philosophique du village, Jean-Luc, le garde-champêtre en charge du maintien de l'ordre dans la rue principale et dans la cour de récréation de l'école primaire fit part de la réflexion qui l'avait assailli en posant une contravention à un chien qui errait, ayant perdu son maître: «En écoutant le discours de réception du dernier académicien admis sous la coupole, j'ai sursauté quand il affirma que "le pluralisme éthique n'existe que si une singularité morale préexiste". Cette affirmation  péremptoire contredit tout le travail de Bourdieu et s'oppose frontalement avec ce que nous a appris Foucault. Vous comprenez mon indignation. Personne, à ma connaissance, n'a relevé cette énorme bêtise. J'en suis encore tout bouleversé». Jean-Luc ne retrouva son calme qu'en finissant sa deuxième chopine  d'un petit saint Nicolas de Bourgueil de derrière les fagots. 

«Cher ami», lui rétorqua Victor, le premier adjoint du maire et responsable des affaires culturelles et de l'administration des ordures ménagères, après quelques minutes d'un silence pensif: «Dans un monde sans sens ni direction, les idées flottent dans un océan de confusion et d'incertitude. Le concept même de la vérité est remis en question, car qui peut dire ce qui est vrai et ce qui ne l'est pas dans ce monde de chaos? Nous cherchons tous un but, une raison d'être, mais peut-être que la recherche de cette signification est elle-même absurde. Peut-être que l'existence elle-même est absurde, une blague cosmique dont nous sommes les victimes impuissantes. Pourtant, dans cette absurdité, il y a une beauté étrange. L'absence de sens nous libère de toute attente ou de tout jugement. Nous pouvons simplement exister, sans but ni direction, et trouver notre propre signification dans cette absence de signification». Cette déclaration  prit Jean-Luc de court. Sans rapport avec  ce qu'il venait de dire, il en conclut que l'autre ne l'avait pas écouté ou se moquait de lui et il commença à voir rouge (c'est un sanguin). Une bagarre allait s'enclencher.

J'intervins pour les empêcher de s'écharper comme à l'accoutumée. J'y allais de mon discours lénifiant habituel aux vertus hypnotiques «Ton opposition me rappelle la réaction qu'avait eue Voltaire quand Rousseau avait sorti sa fameuse théorie. Il avait eu le même haut-le-cœur et traité son rival d'une façon qui n'a pas été oubliée et l'on parle toujours de leur fameuse controverse et de la haine réciproque qui ne les quitta jamais. Soyez plus raisonnables, svp. Si je n'avais pas peur de rompre notre vieille amitié, je dirai que tu as tort et l'autre  raison. Mais je comprends ton désaccord, il porte sur la forme et pas sur le fond. Si ce monsieur connaissait mieux le français, et il ne le peut, ne l'étant pas, il eut employé d'autres mots et dit plutôt "la variété n'est qu'une addition d'unités", qui peut dire le contraire, pas toi, mon cher Jean-Luc, la logique personnifiée. Comprends aussi Victor, ne vois-tu pas qu'il est en pleine crise existentielle  et qu'il ne suit pas l'actualité de l'Académie Française, pardonne-lui, lui-même ne savait pas ce qu'il disait, il avait dû demander à ChatGPT de penser pour lui».

La raison prévalut, la tension retomba, la conversation reprit une allure convenable. Je parlais de mon potager, Jean-Luc nous entretint de sa déclaration d'imposition et Victor nous en conta une bien bonne dont il a le secret. La vie continua son cours, jusqu'à la prochaine fois.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire