Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


samedi 5 mars 2022

RÉHABILITATION DU CRACHAT

 Les fonctions naturelles de l'homme se répartissent en deux catégories: celles qui absorbent et les autres qui éliminent. On a ainsi l'inspiration de l'oxygène de l'air, l'ingurgitation des liquides, l'absorption de la mangeaille. En sens inverse, on rejette du CO2, des fèces, de l'urine, de la sueur. Je parlerai ici du plus décrié de nos rejets: le crachat. Cette émonction fait horreur aux âmes sensibles qui ne voient dans la nature humaine que du beau, du bon, du bien alors que nous savons qu'elle n'est qu'un cauchemar ambulant. Comme vous et moi nous ne ne faisons pas partie de cette clique oppressive, j'en parlerais  avec doigté et ma délicatesse habituelle. Le crachat doit retrouver les lettres de noblesse qu'il n'a jamais perdues dans une culture aussi  raffinée que la chinoise et ne pas être réservé, chez nous, à la frange  de la partie la plus répulsive de la population. Je saute sa description anatomo-pathologique  répugnante à dégouter même  un habitué à sonder toutes les bassesses  que vous imaginez et je passerai, n'en vous déplaise, à ses vertus thérapeutiques. Le bruit peu seyant de cette expulsion est le tribut payé pour débarrasser tout le tractus respiratoire de mucosités encombrantes et délétères qui, depuis la bronchiole jusqu'au pharynx, menacent , gênent et peuvent aller jusqu'à bloquer le passage de l'oxygène, gaz vital de notre sang , chez le bronchiteux chronique et tabagique. Il s'agit donc d'un geste prisé à juste titre et encouragé par tout pneumologue digne de son titre. Il doit seulement, pour la sécurité du public, être dirigé vers un crachoir et non pas en direction de l'interlocuteur. 

Mais le crachat n'est pas seulement une émanation de nos humeurs viscérales, il est aussi verbal. C'est de lui dont je voulais, en vérité, parler. Mon préambule n'avait que le but de provoquer un haut de cœur et faire fuir les croquants et les croquantes dont la place n'est pas ici. 

Boris Vian avec son roman célèbre et célébré "J'irai craché sur vos tombes"(1946) se donnait l'occasion d'exprimer tout le mépris que la société blanche  lui inspirait. Rares  sont les auteurs capables  d'écrire en toutes lettres, leur détestation du genre humain. On citera  cependant quelques illuminés qui se sont délectés en  lâchant des boules puantes comme Cioran, Bloy, Pierce, Twain, Desproges, King, Golding, Céline, Sartre (l'enfer, c'est les autres), Renard, etc.... Leur  succès n'est pas dû à ce registre que les  ligues de vertu condamnent, que l'Observatore romano excommunie, que Libération et la critique du Monde vilipendentmais au style, au frisson de l'interdit qu'ils procurent, à la transgression d'un moment. Seuls les crachats que sont des imprécations sont capables  de retenir l'attention, de meubler le silence, de faire bouger l'indifférent et  faire entendre ce que les sermons des papes, des prêcheurs, n'ont jamais dit. Pour cela, le crachat doit être féroce, obscène, rempli de toutes les immondices qu'accumule le cerveau  de l'espèce.

J'attends sans impatience, sans espoir, le prophète inspiré qui sera capable d'extirper de ses entrailles toutes les immondices où l'homme se vautre et de les lui jeter sans qu'il puisse s'en défendre.

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