La dépression qui pourrit la vie avant même qu'on soit mort
est provoquée par une erreur de programmation qui transforme en noir et gris
une réalité en technicolor.
Le problème est crucial car vital. Il est si ardu que
personne ne sait comment le résoudre. Le médecin du corps, autant que les
charlatans de l'âme, proposent de faux remèdes pour paraître occupés et font
perdre leur temps aux malheureux désespérés de n'avoir pas d’espoir.
Seul un traitement de choc peut donner un résultat. Pas ceux
qui ont déjà été essayés : le choc insulinique ou cure de Sakel appartient
à l'histoire. Il a eu son heure de gloire avant de mériter l'oubli. L'électrochoc
est encore dans les mémoires. C'était l'ancienne époque du tout électrique. Il
est à mettre dans les mauvais souvenirs.
Celui qui agira reste à trouver. On sait qu'il devra
remettre du rose dans les pensées et les idées.
J'ai une piste, elle est dans le titre. Pour se libérer
d'une dépression, je suggère de procéder de façon progressive, en allant du
simple au compliqué, du facile au difficile, du physique au mental.
La purge devrait être générale, par étapes.
La première procédera à un grand nettoyage de la peau, ce
réceptacle de toutes les impuretés de l'air du temps. Quelques séances de sauna
finlandais avec une bonne sudation suivies d'une immersion dans l'eau glacée
vont provoquer un choc thermique et une élimination de toutes les saletés incorporées
qui empêchent la peau de respirer.
La deuxième s'attaquera à l'intestin. On sait maintenant
qu'il est le deuxième cerveau et on ne parle jamais de sa responsabilité dans
la dépression. Ses moyens de pression pour exiger l'omerta ne doivent pas
intimider le dépressif. Un laxatif le vidangera de toutes les saloperies qui
peuvent vicier l'humeur. Le plus efficace est la préparation à la coloscopie :
ne pas dépasser la dose standard et arrêter dès que l'excréta est limpide. Pour
être complet et par principe, une cure d’une décoction de queues de cerise - 1
litre pendant trois jours - aura un effet diurétique capable de rincer la vessie
et d'obtenir des urines propres.
La troisième étape est la plus délicate. Le dépressif doit
débarrasser le cerveau du fatras de vieilles guenilles qui le plombent, le
dévastent, l'empêchent de réfléchir à autre chose qu'aux erreurs qui accusent
leur victime d'en être l'auteur. Ce sentiment de culpabilité et d’auto-dénigrement
tournent en boucle dans l'esprit, c'est la fameuse rumination, une indigestion
qui n'arrive pas à s'évacuer. Le challenge est de taille et pour se donner du courage
et prendre exemple, il devrait revoir IMPITOYABLE, le film de Clint Eastwood
(1992) pour se mettre au diapason de son héros.
Il s'agit en effet de continuer la purge cutanée, intestinale, vésicale
par un grand lessivage psychanalytique. Il faut aller débusquer les
responsables de la dépression, donc dresser un acte d'accusation, arrêter
d'être maso, se donner le beau rôle de victime innocente et lister, sans pitié,
tous les salauds et salopes qui, depuis la maternelle, empoissonnent la vie au
point qu'aujourd'hui, l'overdose atteint, le seul recours est la dépression,
une planche de salut pourrie. Le réquisitoire doit être total, brutal, partial,
l'abcès mis à plat. Plus la charge sera violente, méchante, injuste, cruelle,
la barque chargée, plus la libération sera parfaite. Au fur et à mesure que la
mise au pilori prendra tournure, s'élèvera dans les tréfonds, un avant-goût du
plaisir de médire qui est en train de revenir et le signe que la voie est
bonne.
Le seul problème, à ce stade, est le manque de force,
l'aboulie, l'apathie, l'asthénie qui accompagnent la dépression. Le problème
est facile à éliminer, on distille, on prend son temps, enfin une occupation festive,
libératoire, c'est Règlement de compte à OK corral. Cette épisode à charge peut
prendre quelques semaines et pour les plus atteints quelques mois. Qu'importe,
la dépression dure depuis si longtemps qu'on peut attendre encore avant de la
voir mourir de sa sale mort.
Tout doit être mis par écrit et le réquisitoire a vocation à
être lu à haute voix pour le vomir. La guérison pour être complète doit être
aussi une vengeance. Sans égards, sans censure, il faut étaler sa rancœur, ses
rancunes, seule façon de s'en purger définitivement. Les fautifs seront
reconnaissants d'apprendre la vérité s'ils méritent le pardon.
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