Notre humeur est sensible à la plus simple des contrariétés et il suffit d'une remarque jugée désobligeante, d'un reproche à peine exprimé, d'une réponse ironique pour déclencher de l'animosité, du ressentiment, de la colère. Le corps, lui, réagit immédiatement à la moindre excitation d'un sens: il perçoit une lueur dans le noir, une pincée de sel, un léger goût sucré et un quart de gramme de cyanure de potassium suffit pour le tuer.
L'esprit et le corps sont donc dotés d'une extrême susceptibilité. Elle les rend réactifs à la moindre des sollicitations. Il en résulte une grande fragilité et on ne peut être qu'effrayé par les dégâts que vont infliger au premier les idées fumeuses, les mensonges énormes, les affirmations insensées proférés par des idéologues décérébrés, des fous de dieu, des escrocs professionnels. Le second n'est pas mieux traité et sa délicatesse naturelle devra subir d'épouvantables épreuves comme respirer un air pollué, boire du poison en bouteilles dans les grandes surfaces, manger des cochonneries industrielles, supporter des bruits assourdissants, user ses rotules dans des marathons imbéciles.
Aucune autre espèce animale ne se traite avec une telle brutalité, une cruauté si impitoyable, une indifférence aussi totale. L'homme à son échelle, dans sa bulle, se rend coupable de sévices corporels et spirituels en permanence. Il en a une telle habitude qu'il l'exporte sans même s'en rendre compte dans tout ce qu'il fait et sa violence additionnée à celle des autres finira par le perdre en toute inconscience.
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