Ce blog est pour le lecteur qui apprécie l'ironie, l'humour, qui est à l'affût de pensées faciles, d'idées saugrenues, d'inventions bidon, de conseils bizarres et qui n'est pas horrifié par le sarcasme, l'irrespect. Il est à éviter pour les conformistes, les dominants, les dominés.


dimanche 11 juin 2023

ENTENDU AU TRIBUNAL

de notre envoyé spécial dans la salle des pas perdus d' un palais de justice.

Monsieur l'avocat de la défense, la parole est à vous.

"Monsieur le président,  mesdames et messieurs du jury, je n'épiloguerai pas sur tout ce que nous avons entendu et ne reviendrai pas sur la construction abracadabrantesque de l'instruction mené par un juge dont on se demande comment il n'avait pas été renvoyé dès sa première année de l'école de la magistrature tant il apparaît peu doué pour ce genre de métier qui a besoin d'intelligence, de réflexion et de sagesse. Par déférence pour la police dont je salue le mérite et le courage, je n'épiloguerai pas sur les conditions qui prévalurent pour arracher des aveux circonstanciés. Moi-même, si j'avais été soumis à une telle pression pendant si longtemps, j'eus avoué allègrement avoir assassiné Gandhi, Kennedy, mes père et mère. Je ne vous parlerai pas non plus de l'histoire du supposé crime de l'accusé, vous connaissez le  scénario digne d'un film d'horreur qu'en a tiré l'accusation et dont vous et moi nous frémissons encore. Non, mon propos sera simple, je ne vous décrirai même pas la version de la vérité, la réalité des faits, les alibis étayés, l'absence de motif. Je ne remplirai pas les vides de l'enquête, ne soulignerai pas les incohérences de l'instruction, son manque de sérieux, je ne vous parlerai que de mon client et de ma connaissance du sujet.

Nous plaidons non coupable et demandons la remise en  liberté d'Albert Normand car nous le savons innocent et je vais en apporter la preuve en vous faisant découvrir sa vraie personnalité. Ce n'est pas celle de l'odieux individu que l'avocat de l'accusation vous a décrit avec son imagination habituelle et un talent de scénariste hollywoodien - nous l'appelons entre nous merlin l'enchanteur -. Il n'est pas non plus le pervers narcissique que le psychiatre de service a décrit après avoir lui avoir posé 3 questions sur sa première enfance, lui avoir demandé ce qu'il voyait dans une tache d'encre et son opinion sur l'enfer carcéral.

Moi, je l'ai interrogé longuement sur son enfance, son adolescence, sa vie d'adulte, ses réalisations, ses rêves, ses échecs, ses réussites. Je connais ses goûts, ses habitudes, ses idoles, pour qui il vote, son club de foot favori, les livres qu'il a aimé, les pays où il a été, les femmes qui l'ont quitté. J'ai interrogé ses amis d'enfance, ses collègues de travail, ses oncles, ses tantes, ses cousins, ses cousines, ses voisins de palier mais aussi des étages inférieurs et supérieurs. Au terme d'une enquête exhaustive qui aurait dû être celle de la police judiciaire, je peux vous  faire un portrait d'Albert Normand et ce n'est pas celui d'un assassin mais celui qu'une belle-mère aimerait avoir pour gendre, un enfant pour père, une voisine pour voisin, une armée pour général, un pays pour président. Dès l'enfance, il révéla un caractère qui ne le quittera jamais. Il aimait le chat et le chien de la maison, nourrissait le poison rouge, obéissait à ses parents, mangeait sa soupe sans rechigner. Ses maîtres de l'école ne tarissent pas d'éloges sur sa discipline, son assiduité, sa bonne conduite et ses excellents résultats dans beaucoup de matières. Ses camarades se rappellent du bon camarade qu'il était, toujours prêt à jouer, à faire le clown, gagner son équipe. Il n'a jamais harcelé un autre élève, ne déclenchait pas des bagarres. Plus tard, son apprentissage  de plombier fut un modèle du genre et, compagnon du tour de France, il en subit les épreuves et les pérégrinations avec aisance et succès. Bon français, patriote comme son père (un ancien de la deuxième DB), il tint à servir sa patrie et s'engagea pour 2 ans dans une arme d'élite, les fusiller-marins où il risqua pour vous, pour nous, sa vie dans des opérations extérieures couvertes par le secret-défense. Il en sortit avec le grade de caporal et son général regretta qu'il ne continua pas dans la voie militaire cédant à la demande de sa fiancée qui voulait une vie sédentaire. Ses collègues  de l'entreprise de plomberie  qu'il intégra aussitôt reconnaissent sa compétence, le soin du détail, son goût de la rigueur, son respect du client. Très bien noté par la direction, on devine que son amour du travail bien fait n'était pas sans susciter une certaine jalousie de la part de certains. Personne ne se rappelle l'avoir vu se mettre en colère, perdre son sang-froid, faire acte de violence. Je vous signale qu'il est végétarien par respect du vivant. Vous comprenez pourquoi il flotte dans son costume du dimanche, il a perdu 20 kilos depuis qu'il est en préventive, non parce qu'il fait la grève de la faim mais pour ne pas déroger à son idéal nourricier, le directeur de la prison refusant de lui donner un régime végan.

Mesdames et messieurs du jury, pensez-vous dans votre âme et conscience qu'une personne dotée des qualités que je viens d'énumérer soit capable de tuer son épouse adorée  sous le prétexte futile qu'elle le trompait avec sa meilleure amie. Albert est une âme droite, incapable d'un acte infame, le voudrait-il qu'il ne pourrait pas. Merci pour lui.

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