"Je suis navré", "Je m'excuse", Je vous demande pardon" sont les formules universelles pour exprimer le regret après une faute, une erreur, un mensonge. Mais si la forme est commune , le fond varie selon les cultures, le pays.
Au Japon, l'expression est très employée et les japonais se confondent en excuses avec une sincérité, un respect, un cérémonial qui impressionnent par leur noblesse et lui donne une grandeur solennelle. Les ministres, les directeurs de société présentent leurs excuses publiquement, en baissant le front, avouant leur incapacité à régler un problème, à surmonter la crise, prenant sur eux l'entière responsabilité de la situation critique. Cette confession s'accompagne d'une démission. Certains poussent la punition jusqu'à se faire
seppuku. Le citoyen moyen partage ce qui est une habitude et il se confond en excuses dans sa vie quotidienne non par habitude, facilité, hypocrisie mais parce que l'excuse est un facteur de cohésion, un moyen d'assurer la paix civile, d'harmoniser les rapports sociaux, de désamorcer les conflits. La rue japonaise n'est pas violente.
Au USA, "sorry" est avec "fuck", le mot le plus employé dans la conversation. Il est utilisé à toutes les sauces, avant, pendant et après la faute, l'erreur, le mensonge. Le cinéma en fait un usage extensif et en a favorisé la diffusion. C'est ainsi que l'ami de 30 ans à qui le héros du film a sauvé plusieurs fois la vie essaie de le tuer avec un sorry à la clé et une balle dans la peau parce qu'il trahit pour une poignée de dollars son ami, la CIA et son pays. Une autre fois, ce sera le père de famille aimant follement sa famille qui l'abandonnera avec des "sorry" larmoyant parce que poursuivi par un mari qu'il trompait, des gangsters qu'il a volés ou pour partir au bras d'une blonde incendiaire. L'excuse est une formule creuse, à débit automatique et traduit une absence de tous les sentiments liés au regret. L'Amérique suremploie le sorry pour les petites choses mais n'en exprime jamais pour les grandes. Elle ne s'est jamais excusée d'avoir exterminé les indiens, d'avoir commis
Nagasaki et
Hiroshima, de mentir pour déclencher des guerres qui vont tuer les civils par millions.
Chez nous, l'excuse est une simple formule de politesse employée dans les occasions les plus banales. On demande pardon de demander quelle heure il est, où se trouve cette rue. Elles deviendront une litanie si vous avez marché par inadvertance sur un pied, bousculé un quidam dans la cohue, passé devant la dame sans faire attention. Par contre, jamais un ministre ne s'excusera d'avoir été un mauvais ministre, un président d'avoir conduit son pays à la faillite, un général d'avoir été un mauvais stratège, un directeur d'avoir dirigé la société dans un mur. Ils ne s'excusent pas car ils ne se sentent pas responsables. La faute revient aux circonstances et à ceux qui les ont placés à un poste trop grand pour eux. Il n'y a pas que les politiciens qui refusent: les enseignants ne le font pas quand leurs élèves sortent de l'école sans savoir lire, écrire et compter, les juges quand ils mettent en prison un innocent, le banquier qui vole un client, etc..
On voit que l'excuse est une valeur à étages. On a l'excuse à la japonaise qui a une grandeur, une dignité qui allège et fait pardonner; On remercierait presque le coupable de nous avoir fait l'honneur de nous la présenter. La version américaine est son antithèse; vulgaire, insincère, répétitive. Elle exprime les valeurs d'une société bâtie sur l'argent, l'apparence, le mensonge, l'arrogance. La française est tout autant médiocre . Elle se veut l'expression d'une politesse digne d'un aristocrate. Ce n'est qu'un singerie de plus dans la comédie humaine. S'excuser pour des choses qui le méritent nous est impossible car c'est un aveu de faiblesse qui dépasse les forces même de ceux qui en ont.
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