Le parfait catholique était un monsieur qui allait à la messe tous les dimanches avec madame et les enfants, qui communiait religieusement, écoutait pieusement des paroles qu'il ne comprenait pas mais en qui il avait confiance. Il confessait à Pâques tous ses péchés capitaux qui l'auraient empêché d'aller au paradis: idées coupables, pensées luxurieuses, envies inavouables d'orgies pâtissières, d'écarts alimentaires le vendredi et durant le Carême, lecture de livres sataniques interdits et mis à l'index (un chapitre de Notre Dame de Paris de Victor Hugo consacré à Esmeralda, 2 contes drolatiques de Balzac, un auteur sulfureux, un essai de lecture du Gai Savoir de Nietzsche sur la recommandation d'un ami notoirement païen et une ou deux journées des 120 jours de Sodome du divin marquis). Trop véniels pour être cités, il ne mentionnait pas son mépris pour les classes inférieures et en particulier pour sa bonne à tout faire reléguée dans une soupente du grenier froide l'hiver, chaude l'été, ses mensonges au fisc, à sa femme, à ses amis, à sa maitresse etc., son hypocrisie, son égoïsme, son avarice, son orgueil. Il se pardonnait ces peccadilles en payant le denier du culte, en envoyant ses enfants dans des institutions religieuses, en allant aux messes d'enterrement, en invitant le curé de sa paroisse à sa remise de la légion d'honneur, en participant au pèlerinage diocésal à Lourdes etc... Paroissien parfait, citoyen exemplaire, père de famille modèle, il était le proto-archétype à qui on donnait le bon Dieu sans confession et qui était sûr d'aller directement au ciel s'il n'oubliait pas la dernière cérémonie avant le grand voyage: une onction in extremis pour corriger toutes les imperfections passées sous silence durant les confessions pascales et la terminale.
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