Sauf à être un inconditionnel de soi-même, il y a entre le
moi et le surmoi de la place pour quelques autres qu'on honorera à des degrés qui iront de l’admiration, pourront grimper jusqu'à la vénération et pour 1 ou
2 culminer en adoration.
L’admiration n’est pas exigeante. Elle n’est pas avare d’elle-même.
Il suffit qu’il ou elle soit, à un degré que nous n'avons pas : fort,
intelligent, beau, grand, habile, courageux, riche. Si toutes ces
qualités sont réunies, l’admiration est au zénith. Le choix est donc large, à
la démesure du déficit. Il va du sprinter à l’actrice, du chanteur au savant,
de l’écrivain au père de famille nombreuse
et, d’une façon générale, du démineur au premier de cordée. L'admirateur admire son idole, en punaisant sa photo sur le mur de sa chambre et il lui rend l'hommage dû chaque jour, après sa prière du soir.
Mais la modestie des sentiments a des limites et, si l'on
franchit la supérieure, on tombe dans la vénération. Le pas est grand. Il
atteint le cœur et l’esprit, les deux sont subjugués. La vénération étreint le corps et l’âme, excusez du peu.
On n’est pas cependant dans l’amour, trop vulgaire et commun, mais dans le
respect total, presque totalitaire si on n’y prend garde. Ceux que l’on vénère
sont, en général sur un socle, que dis-je, un piédestal et on les regarde de
loin, forcés que l’on est de garder nos distances. Leurs qualités sont de celles
que l’on n’a pas osé rêver. Ils sont au top de tout et n'ont rien de notre
ignorance, paresse, lâcheté, égoïsme etc., etc. Attention, ce ne sont pas des
surhommes du genre à faire le tour du monde à la nage sans palme. Ils n’auraient
aucun mérite. Notre vénération vénère des hommes d’apparence ordinaire qui nous
ont tirés d’un mauvais pas, sortis d’un bourbier, d’une sale situation ou sauvé
du pire: de la rage, du diabète. Dans cette catégorie vénérable, nous avons : Jeanne d’Arc, de
Gaulle, l’abbé Pierre, Pasteur, Fleming, Churchill, Victor Hugo, Shakespeare ou ceux
que vous vénérez, les miens n’étant pas forcément les vôtres. On a les vénérés
qu’on mérite.
Le degré extra, le haut du panier, c’est l’adoration. La
mise en adoration dépasse l’entendement. Elle met en branle les réflexes archaïques issus
de notre cerveau limbique, héritage du tyrannosaurus ancestral. On adore ce qui
nous dépasse, que l’on ne comprend pas. Adorer, pour l’adorateur, est une façon
de se rassurer, de combler le vide qui l’abîme. Il est transfiguré, transformé,
il ne doute plus, il a un répondeur qui
répond pour lui. L’adoration se moque de la vérité, de la réalité. L’adoré est
au-dessus de toutes les contingences. L’homme et la femme sont ainsi faits qu’ils
adorent l’invisible, l’impossible, l’incroyable. Ils érigent pour l'adorer des tas de pierres en forme de basiliques, de cathédrales, de pyramides, de mausolées qui témoignent durant des siècles et des siècles du degré suprême de l’idiotie humaine, source de tous nos malheurs.
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